Extrait du journal
C’était un soir d'hivt : en cette lointaine petite ville. J’allais flânant aux abords de la gare. J’épiais, par une vieille habitude, le passage des trains, me donnant, à regar der les départs, l’illusion de voyages désirés ma:s impossibles. Les voyageurs, un à un, commençaient à encombrer la salle des pas-perdus. Je me mêlai à leur cohue. Ils n’allaûfnt pas loin, cela se voyait : nul d’entre eux n’évoquait à mes yeux la vision des terres éloignées du Sud, dont je ressentais, en ce soir brumeux du Nord, l’impérieuse nostalgie. Déçu, j’allais m’éloigner, quand une étrange apparition me rcth.t que, de ma vie, je ne saurais oublier : au bras d’une vieille dame avançait, d’un pas mal assuré, une forme chancelante de jeune femme... peut-on bien dire une forme?... Avait-il une forme, ce pauvre être perdu dans ses châles et s*\s fourrures? Ix; groupe disparut dans une salle «l’attente ; j’entendis l’écho d’une petite toux saccadée venir par la por te entrouverte, et, presque en même temps, un homme encore jeune réclamer au guichet deux billets pour Bordighera et s’informer de la correspondance exacte avec Je train de luxe qui, par le Rhin, Bâle, le Gothard et Milan, gagne la Riviera. Ce fut tout. Cela s’était passé en un clin d’œil, sous la lumière blanche des becs de gaz. Il n'importe ; en rentrant par les rues obscures, il me semt lait avoir vécu un drame douloureux : j’avais entrevu la gran de tristesse des pèlerinages de la souffran ce humaine tendue dans un effort suprême et désespéré vers les lointains mystérieux de l’apaisement et de la guérison. •% Ce mélancolique souvenir s’est imposé à moi, ces jours passés, comme je parcourais un roman anglais récent qui vient accroître lé cycle déjà fort imposant
À propos
Au début simple déclinaison à prix modique du journal La Gironde, La Petite Gironde devient de plus en plus autonome à la fin des années 1880, lorsque sa diffusion dépasse – et de très loin – celle de son vaisseau-mère pour atteindre les 200 000 exemplaires à l'orée de 1914. Centriste modérée à l'origine, sa ligne éditorialse se droitise au fil des ans, jusqu'à devenir proche de celle de L'Action française dans l'agitation de la Première Guerre mondiale. Sans surprise, le journal sera collaborationniste en 1940, puis interdit en août 1944.
