Extrait du journal
LETTRES PARISIENNES DU JEUDI Paris, 23 février. Depuis bien des années Paris n'avait été affligé d’un aussi maussade Carnaval ; on n'imagine pas un plus maigre Mardi-Gras. Et pourtant, le besoin de distractions et de gaîté est tel dans la population pari sienne, que malgré l'hostilité des éléments et la tristesse de l'heure présente, en dépit du froid, de la pluie, de la grêle et de l'af faire Zola, une foule compacte, avide de plaisir a roulé sur les boulevards. A trois heures, le spectacle vu de haut, je parle au positif et non au figuré, était vraiment original : plus de cinquante mille para pluies éployés sur deux lignes à perte de vue, et constellés de confetti collés par l'eau de pluie. J'ai vu de beaux effets de riflards dans les fêtes publiques, sur les champs de courses, à de certains enterre ments. J’en ai vu un merveilleux le jour de l'inauguration par le maréchal de MacMahon de l’Exposition universelle de 1878 : un effet de parapluies en gradins, s'éten dant du haut du Trocadéro jusqu’aux basfonds du Champ-de-Mars. Eh bien ! cela ne valait pas le tableau d'hier. Ces parapluies constellés de points rouges, jaunes, blancs, verts et bleus, semblaient de grandes fleurs étranges et mouvantes qu’un jardinier céleste arrosait trop consciencieusement... Les braves gens qu’ils abritaient trot tinaient avec résignation dans une bouc glacée que les confetti coloraient aussi et transformaient en une indescriptible purce. S'il avait fait beau, Paris qui s'ennuie, s'énerve et s'irrite depuis trop longtemps, Paris hypnotisé par l’affaire Dreyfus, au rait donné, par réaction, le spectacle bien connu des marins en bordée après les lon gues et mélancoliques croisières. Vraiment, il est temps que ce peuple reprenne le cours de sa vie normale au sortir d’un long cauchemar qui ne pour rait se prolonger encore sans danger. Le procès qui vient d être jugé ne ter mine pas, en fait, l’affaire dont il était...
À propos
Au début simple déclinaison à prix modique du journal La Gironde, La Petite Gironde devient de plus en plus autonome à la fin des années 1880, lorsque sa diffusion dépasse – et de très loin – celle de son vaisseau-mère pour atteindre les 200 000 exemplaires à l'orée de 1914. Centriste modérée à l'origine, sa ligne éditorialse se droitise au fil des ans, jusqu'à devenir proche de celle de L'Action française dans l'agitation de la Première Guerre mondiale. Sans surprise, le journal sera collaborationniste en 1940, puis interdit en août 1944.
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