Extrait du journal
LETTRES POLITIQUES Paris, 25 décembre, 6 h. s. Je vous avoue que j’étais curieux de «avoir l’accueil qui serait fait au discours du président du conseil à Saint-Mandé, au Salon des Familles, et le lendemain dans la presse ministérielle. On sait que M. Léon Bourgeois présidait pour la première fois le banquet de la Ligue française de l’en seignement, à défaut du vaillant lutteur Macé, que la mort a ravi trop tôt au res pect et à l’affection de tous ceux qui ont le culte de la patrie française. Ce n’était pas commode. M. Bourgeois l’a si bien compris qu’il a parlé politique aussi peu que possible. C’est que, voyezvous, dans la situation où l’ont placé les circonstances, à la tête de multiples tron çons qui peuvent bien à la rigueur et pour un temps constituer une majorité, mais qui ne forment pas et ne formeront ja mais un parti, il est forcément dépaysé. Où qu’il parle et devant quelque auditoire que ce soit, il est toujours sûr de n’être point de la paroisse. Vous rappelez-vous cet individu qui, par hasard, était venu entendre un prédica teur célèbre ? Tout le monde pleurait, lui seul restait froid, et, comme on lui en de mandait la raison : «Que voulez-vous? répondit-il, je ne suis pas de la paroisse. » C’est un peu le cas de M. Bourgeois : Qu’il se trouve en compagnie de radicaux un peu teintés de socialisme, ou de révolu tionnaires comme ceux qui, en somme, l’ont mis au pouvoir et l’y maintiennent, il sent bien qu’il n’est pasde la paroisse, et, au dessert, il aborde plus volontiers le* idées générales que les questions de la politique courante. Et ce n’est certes pas moi qui m’en pla.ndrai, car il a des idées générales, et il n’est pas rare qu’il rencontre pour les exprimer de très adroites formules, et qu’il ait des trouvailles oratoires du plus heureux effet. « Nous ne sommes les prisonniers de per sonne, nous sommes les prisonniers de nos idées, rien de plus. » Allez donc mar chander vos applaudissements à cette for mule lapidaire ! Il faudrait commencer par interrompre l’orateur pour lui demander si son idée n'est pas do rester ministre, auquel cas il ne serait le prisonnier de personne en particulier parce qu’il le serait ie tout le monde en général. Mais n’allons pas chercher midi à quatorze heures. Une autre jolie formule : « Nous voulons marcher : on ne suit que ceux qui mar chent. » Ledru-Rollin disait autrement : « J’étais leur chef, j’étais bien obligé de les suivre. » Mais c’est donc bien amusant d’épiloguer? Moi, je m’y refuse. Tout ce que je suis dans la stricte obligation de constater, c'est que M. Bourgeois, de pro pos délibéré ou sans le faire exprès, a fait une déclaration qui équivaut tout net à une déclaration de guerre au collecti visme. Il prétend, en effet, qu’avant d’a border le problème de l’assistance il faut à tout prix faire triompher le principe de la prévoyance. Rien de plus vrai, mais ayez la patience — il en faut — de par courir la collection de la Petite République, et vous y trouverez affirmé à cent reprises que celui-là est un simple gredin qui ose parler de prévoyance à l’ouvrier, et que le bonhomme Franklin était un monstre qui disait au travailleur : « Dépense chaque jour un sou de moins que tu ne gagnes. » Hélas I tout est dans tout : on croit échap per à la politique en se réfugiant dans les idées générales, et on s’aperçoit qu’on n’a...
À propos
Au début simple déclinaison à prix modique du journal La Gironde, La Petite Gironde devient de plus en plus autonome à la fin des années 1880, lorsque sa diffusion dépasse – et de très loin – celle de son vaisseau-mère pour atteindre les 200 000 exemplaires à l'orée de 1914. Centriste modérée à l'origine, sa ligne éditorialse se droitise au fil des ans, jusqu'à devenir proche de celle de L'Action française dans l'agitation de la Première Guerre mondiale. Sans surprise, le journal sera collaborationniste en 1940, puis interdit en août 1944.
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