Extrait du journal

y a au Chili comme partout des bous et mauvais ménages. Tel conjoint qui croyait avoir tiré à la loterie un numéro sans rival, s’aperçoit un jour de tirage qu’il ne valait pas « une queue de cerise », comme dit la chanson. Et comme le divorce n’est pas fait pour les chiens, adonnés systématique meut à la polygamie et, suivant peut-être en cela l'exemple de certains hommes,— le Chili nous a emprunté la rupture légale du nœud conjugal. Seulement, au lieu de précipiter les mou vements, comme chez nous, il a inventé poul ies postulants un petit système que le tribu nal de la Seine vient d’avoir à appliquer ces jours-ci, pour la première fois. D'après la lé gislation chilienne, ces postulants doivent vivre séparément pendant cinq années avant d’être libérés. C'est ce noviciat que les juges viennent d’imposer à une jeune Chilienne, contre laquelle plaidait son mari. Le jeu diffère, ou le voit, de notre divorce. Dans cinq ans, les conjoints, ou plutôt les disjoints, viendront se représenter devant le tribunal, pour être â jamais séparés,à moins qu’iis aient eu des regrets, des remords... ou des enfants ensemble. Les moralistes parisiens ont paru très tou chés de cette procédure, et l’un d’eux s'écrie : « Les Chiliens sont des sages! » Au premier abord, en effet, ce noviciat pa rait logique, ingénieux et moral. Au lieu de briser brutalement le lien entre les époux pour les laisser gambader aux antipodes, on leur attache à la pal te un lil lâche, très lâche, qui 11c les empêche nullement de vaguera leur guise, on allonge seulement la corde. Ce léger trait d'union — et aussi le souci de revenir, à l'expiration des cinq années, ré clamer de nouveau,entratnentà la réflexion, imposent la balance du pour et du contre. Les années aidant, les rancunes s’éteignent, les griefs s’apaisent, et l'on ne voit plus du même œil « l’adversaire »... Sans doute, mais le système est pour le divorce ce que le sabre de M. Prudbomme est pour la Constitution ; il sert tantôt à la combattre et tantôt à la défendre. Quand les époux auront goûté à la liberté, voudront-ils se replacer d’eux-mêmes sous le joug ? Vous lâchez i'auimal humain pendant des années, et puis vous lui demandez s’il veut revenir dans le box? Il ne voudra rien savoir, neuf fois sur dix, à moins qu’il n'ait vraiment la vocation; alors, passé à la flamme, il sera le modèle des époux. Mais celui là était époux de naissance, coulent de sou lot, il n'avait pas divorcé....