Extrait du journal

A la veille des élections, les curés de Paris, sous la conduite de M. l’archevêque Richard, ont jugé opportun d’aller solliciter du pape quelques conseils assaisonnes de nombreuses bénédictions. On fit d’abord quelques menus cadeaux au doux vieillard du Vatican. Avec un joli magot extorqué à la crédulité des vieilles bigotes, quelques pierres précieu ses et un lot d’argenterie, on est toujours certain d’un accueil paternel, et un de nos confrères du matin constate l’air radieux du Saint-Père en palpant, plus heureux que Calchas inondé de fleurs, l’or et les bijoux. —- Vous êtes riche 1 s’écria-t-il en s’adres sant au cardinal Richard. Puis, comme les curés de Paris tombaient agenouillés, le souverain pontife prononça cet oracle dont personne ne songerait à mé connaître l’importance : Tous les curés de Paris, ici présents, pourront donner une fois la bénédiction apostolique à leurs paroissiens. Quand ils la donneront, ils ajouteront un mot pour l’union et la concorde. Il faut que tous les catholiques soient unis pour délivrer la France. Il faut que cette chère France soit déli vrée. Travaillez à vous débarrasser du joug de la franc-maçonnerie. La bénédiction du pape et la parole des curés réussiront à obtenir ce résultat, qui est le vœu le plus ardent de notre cœur. Les oracles sont d’ordinaire assez énigmatiÎues ; celui-ci a tout au moins l'avantage 'être clair, et nous comprenons à merveille ce que Léon XIII appelle « délivrer la France ». MM. les nationalistes nous ont habitués à cette formule, et nous savons qu’elle vise de manière formelle le gouver nant de la République. Donc, le pape, réunissait autour de lui des fonctionnaires de la République, le pape Îui a rang de souverain etranger, se permet 'intervenir dans la politique intérieure de notre pays et de dicter, par l’intermédiaire des évêques et des curés, aux catholiques de France, l’attitude à prendre pendant la pro chaine bataille électorale. Jamais l’impudence pontificale ne s’était affirmée avec autant d’audace, et nous nous demandons jusqu’où ira la patience du gouvernement de la République en face de cette levée de crosses. Puisqu’il s’agit de « délivrer la France », quand donc les républicains comprendrontils que la République sera indéfiniment en péril, tant qu’on permettra à l’internationale noire de s’organiser secrètement à Rome pour l’étranglement de la liberté? Nous allons soutenir, dans quelques se maines, un suprême assaut de toutes les troupes cléricales qui viennent de recevoir du Vatican le suprême mot d’ordre. Elles seront vaincues, nous en avons la certitude ; mais c’en sera fini, j’espère, de la mansuétude dont on a trop usé à leur égard. Il faut que la défaite se change pour elles en débâcle définitive et qu’on fasse taire enfin un clergé en révolte que le gouvernement de la République a le droit et le devoir do mu seler. Henri Turot. P.-S. — Un de nos lecteurs nous signale que ces jours-ci, à Sainte-CIotible, en^ pleine chaire, le père Ollivier a qualifié d’immo rales les écoles laïques de l'Etat. Or, le père Ollivier est un jésuite. On ne saurait se moquer avec plus de sans-gêne de la loi qui interdit aux curés de choisir comme prédicateurs dans les paroisses des membres des congrégations non autorisées....