Extrait du journal
Comme il était facile de le prévoir, le Conseil national des mineurs de France a proclamé hier soir la grève générale, et ce matin cent mille ou vriers auront quitté le travail. C’est le plus formidable conilit que ce pays ait encore connu. La responsabilité en incombe tout entière au Comité des houillères de France. La lettre hautaine de M. Darcy refusant de discuter avec les mineurs a produit son œuvre. Elle revêtait tous les caractères d’une provocation, c’était un véritable défi, et nul ne saurait s’étonner do voir les ouvriers le relever et recourir à la seule arme que la loi ait mise à leur disposition. Le manifeste du Comité national ne peut laisser aucun doute sur les causes du conilit, et les mineurs ont, depuis trois ans, donné de telles preuves de patience et d’esprit politique, que per sonne ne s’y trompera. Ils n’ont pas cherché la grève, ils ne la voulaient pas, et la preuve en est qu’à diverses reprises ils ont ajourné l’emploi de cette arme redoutable. Nul n’a oublié avec quelle sagesse les ouvriers, comprenant que les ré formes législatives ne s’improvisent pas, firent crédit au gouvernement et au Parlement. On ne saurait donc prétendre qu’ils ont, do propos délibéré, provoqué le conflit. Les réformes législatives restent à l’étude ; ils savent qu’ils n’auront pas à lutter contre l’hostilité des pouvoirs publics, et dans ces conditions, ils au raient sans doute donné de nouvelles preuves de patience, si l’insolente lettre du Comité des houillères de France ne les avait obligés à la lutte. C’est contre les propriétaires de mi nes que la bataille s’engage, sur la question des salaires et des conditions du travail, —sur celle précisément que M. Darcy ne voulait point discuter. Il voulait bien condescendre, ce grand seigneur, à venir devant une commis sion parlementaire, mais il tenait es sentiellement à éviter toute conversa tion sur le taux actuel des salaires. Depuis plusieurs années, le prix de la houille s’était rapidement élevé, sans que les frais d’extraction aient aug menté le moins du monde, bien au contraire, les exploitations marchant à plein rendement. Le bénéfice était devenu tellement scandaleux, l’écart tellement formida ble, que les ouvriers avaient fini par ob tenir une légère augmentation de sa laire ; mais les compagnies ne l’avaient consentie que sous la forme de primes devant prendre fin avec les cours éle vés. Ce sacrifice leur pesait, et elles ont choisi le premier prétexte venu, un lé ger fléchissement des cours, pour ré duire la maigre prime bien au delà de ce qu’aurait pu légitimer à la ri gueur la réduction du prix de vente. C’est parce qu’elles savent bien que leur prétention est insoutenable que les compagnies ne veulent point discuter celte question. D’ailleurs, on croirait à les entendre que sans ces cours élevés, aucune augmentation de salaire ne se rait possible. Pour un peu, ces pauvres actionnaires jureraient qu’ils se rui nent. Le malheur est que même avant cette période exceptionnelle, leurs ac tions avaient une valeur considérable. Ces messieurs ont une singulière manière de calculer. Ils commencent par poser en principe qu’ils doivent oucher tel dividende,et ils calculent ce dividende non pas sur la valeur primi tive des actions, mais sur leur valeur en Bourse, valeur qui est précisément à peu près déterminée par le montant du dividende. Ils oublient simplement que cette valeur-là n’a aucun rapport avec le capital engagé, qui a parfois centuplé ! Quand on évalue le rapport des fameuses parts d’Anzin, ce n’est pas à leur valeur actuelle qu’il faut comparer le dividende, mais bien à leur valeur primitive. Les compagnies pourraient donc verser moins d’argent aux actionnaires, qu’elles serviraient encore un intérêt fantastique au capital primitivement versé. Elles pourraient donc fort bien augmenter les salaires de leurs ou vriers. Il s’est fait dans l’industrie houillère des fortunes scandaleuses,et toute cette plus-value, que l’on veut nous repré senter comme un capital engagé, s’est produite au détriment des travailleurs et des consommateurs, c’est-à-dire au détriment de tout le monde, de la nation tout entière. Il est à présumer d’ailleurs que ces choses n’auront qu’un temps. On finira bien par comprendre dans ce pays qu’il est absurde de laisser aux mains de particuliers d’aussi grandes riches ses nationales, et de leur permettre de les exploiter au gré de leurs désirs et sans prendre le moindre souci de l’in térêt général. Le conflit que l’avidité des compagnies vient de déchaîner sur noti'ê pays contribuera sans doute à ou vrir les yeux des plus aveugles, et si le...
À propos
La Petite République française – puis socialiste de 1898 à 1905 – fut une feuille républicaine à cinq centimes lancée en 1876 qui connut un succès relatif dans les premières années de la Troisième République. Satellite de La République française de Gambetta, les deux publications deviennent indépendantes en 1878 avant que la diffusion du journal ne s’amenuise à la mort de ce dernier en 1882.
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