Extrait du journal

Tu rot .jetait hier le cri d’indignation du socialiste républicain et do l’honnête iiomme : et il est certain que nous assistons à la tentative la plus effrontée de la réaction militaire et cléricale pour mettre la main sur Paris. Oh ! certes, je sais bien que les con jurés de la rue dos Postes et de la rue Saint-Dominique ont réussi à égarer et à entraîner une partie du peuple. En exploitant le sentiment si noble du pa triotisme, ils ont pour un moment groupé autour d’eux quelques tra vailleurs do bonne foi. Hier, j’ai vu un cocher de fiacre qui passant, au grand trot de son cheval fouetté, devant le Palais de justice, criait de toutes scs forces : « A bas les juifs! A bas les youpins!» Si je l’avais pu, je lui aurais dit : Ami, pourquoi distinguez-vous entre les diverses catégories d’exploiteurs ? Est-ce que les cochers de Paris, cochers des voitures ou cochers dos omnibus, qui peinent si cruellement pendant dixseptou dix-huit heures pour un salaire souvent incertain ou misérable, savent quelle est la religion, quelle est la race des capitalistes oisifs, des actionnaires et grands patrons pour lesquels ils s’exténuent? Et que leur importera, je vous prie, que le Capital qu’ils nourrissent de leur peine aille à la messe ou à la synagogue? Mais pendant qu’on les amuse et qu’on les égare avec ces cris, l’Eglise s’empare du pavé de Paris où elle mo bilise ses cohortes des Cercles catho liques et des sacristies. Les généraux se font acclamer à bouche que veux-tu par les bandes que la police militaire de la rue Saint-Dominique organise, ci quand le peuple s’apercevra qu’il est dupe, il trouvera devant lui la forteresse cléricale et militaire prête à le fou droyer. Les patriotes de police et les jésuites, ies blouses blanches et les robes noires essaient à cotte heure de l’embrigader. S’il se laisse prendre, il ajourne de vingt ans la République sociale. Aussi, on peut insulter, menacer et frapper ; on peut essayer de terroriser le jury aujourd’hui, le parti socialiste et le peuple demain. Rien ne nous em pêchera de crier le péril et de jeter aux travailleurs, dans l’obscurité de la tour mente, les paroles d’avertissement et de combat. JEAN JAURÈS....