Extrait du journal
évolution les voies rigides que vous leur aurez tracées? Voilà qui n’est point de de notre ressort. Nous le répétons : vous êtes citoyen français, muni des di plômes nécessaires, donc vous êtes apte a enseigner. Ce qui surtout préoccupe les socialistes, au contraire, c’est la nature de l’enseigne ment donné à la jeunesse, c’est la forma tion de l’esprit des enfants. Qu’importe qu’un ou plusieurs indi vidus n’aient plus le droit de donner à des enfants des idées fausses sur l’his toire, sur la société, sur l’homme, ses origines et ses fins, si ces enfants, élevés dans une atmosphère plus pure, doivent so développer plus sainement? C’est défendre la liberté naturelle que d’inter dire que des jeunes esprits soient tous formés au même moule et stylés d’après des formules monotones. Et si la liberté du professeur est intéressante, combien plus l’est celle de l’élève! Car en fin de compte, c’est bien à cela que se résume la discussion : les congré gations et leurs partisans proclament le « droit pour tout le monde d’enseigner ». Nous, nous réclamons « le droit pour tous les enfants de connaître la vérité ». Or, le droit de l’enfant est, à nos yeux, bien plus sacré que celui du maître. Eh quoi 1 vous vous reconnaissez le droit d’imposer à un enfant telle ou telle opinion, car vous la lui imposez en lui donnant des maîtres qui la lui enseignent seule ? Vous parlez de liberté,et vous commencez par imposer à vos élèves une façon de penser, que dis-je? une forme générale de l’esprit qu’ils conserveront toute leur vie ! m ** Il faut s’arrêter un instant à cette idée, et bien comprendre que ce que nous vou lons, c’est rétablir pour ainsi dire la ba lance de la liberté. Avec la méthode ac tuelle d’enseigner, les enfants n’ont aucune liberté pour se former l’esprit : ils sont contraints par l’organisation de l’ensei gnement, par sa partialité, par sa forme, de suivre exactement le développement intellectuel que leurs parents désirent leur imposer. Cela est si vrai que l’on consi dère en général comme une chose éton nante que le fils n’ait pas les idées du père ; et ce n’est qu’au prix de très grands efforts intellectuels que de semblables scissions se produisent. Seuls les esprits d’une rare trempe sont capables de s’é manciper; les autres suivent avec obéis sance les chemins tracés. Est-ce de la li berté ? Quoi ! ce père qui s’indigne contre son fils, parce qu’il s’est peu à peu sous trait à son influence intellectuelle et qu’il a su trouver une voie où son esprit se sent plus à l’aise et se développe plus large ment, ce père, dis-je, pourra-t-il excuser pareille intransigeance par son amour de la liberté ? Non, et pourtant c’est le même esprit qui anime les membres de la Ligue pour la liberté de l’enseignement. Les méthodes actuelles, répétons-le hautement, ne sont pas des méthodes libres. Celle que nous préconisons, certes, ne garantit pas absolument l’indépen dance des esprits des enfants vis-à-vis des idées du père. Il va sans dire que ce n’est pas parce qu’un enfant aura passé quatre heures par jour dans un lycée, où on lui donnera un certain enseignement, que l’influence paternelle et familiale sera par cela annulée. Le rôle éducateur du père ne disparaîtra en aucune façon, et il n’entre pas dans notre programme qu’il disparaisse ; il pourra, s’il le veut, chercher à neutraliser par des discussions ou des mensonges les leçons données par la société à l’enfant. Mais cela même sera un bien, car l’enfant, au furet à mesure qu’il grandira, sentira plus nettement la contradiction des deux esprits ; au lieu d’être élevé sous une seule influence pré dominante, son esprit comprendra qu’il faut choisir, et qu’il faut pour cela se faire une opinion. Le doute jaillira de ce con flit d’idées, et c’est en toute connaissance de cause qu’il se décidera finalement. Et nous aurons rétabli l’équilibre de li berté dans l’enseignement. L’influence du père, actuellement unique, aura pour contrepoids l’enseignement donné par la société. Oui, ce que nous voulons en faisant de l’enseignement de la nation un service d’Etat, c’est établir un enseignement im partial garantissant à tous les enfants les mêmes bases scientifiques ; il importe avant tout que les petits Français aient des données exactes, précises, indiscuta bles sur les matières de l’enseignement : il faut les mettre en contact direct avec les documents et éliminer le plus possible les commentaires. L’esprit des enfants se meublera ainsi naturellement de connais sances précises et claires qui formeront les bases de leur raison I Ah! qu’elle est loin de nous, la pensée d’imposer une doctrine. Ce ne sont pas des théories, mais des faits, des données précises que nous voulons offrir à l’en fant. Oui certes, l’école athée, antireli gieuse où l’on apprendrait à l’enfant la haine ou le mépris de la religion serait aussi stérile et aussi asservissanto que l’écolè cléricale. Pas de discussions religieuses à l’école, car elles influencent l’enfant et lui défor ment l’esprit. Des faits, des documents, des matériaux intellectuels dont il con serve le souvenir précis, voilà seulement ce que nous devons lui offrir. Si plus tard, devenu jeune homme, ses goûts et ses tendances naturelles le poussent à la mys ticité et à l’humilité religieuse, il pourra librement donner cours a son penchant : la société lui aura donné tous les éléments de comparaison ; il aura choisi suivant ses goûts. La société aura fait tout son de voir envers lui. Mais cette solution sera rare, de plus en plus : la plupart du temps, le simple exposé de la vérité, le contact direct avec Vidée vivante des penseurs et avec la réalité des faits auront suffi à lui ouvrir à jamais l’esprit, et il s’engagera de lui-même dans la voie de la liberté, attiré par l’irrésistible beauté de la vé» tité, 9* elle conduit....
À propos
La Petite République française – puis socialiste de 1898 à 1905 – fut une feuille républicaine à cinq centimes lancée en 1876 qui connut un succès relatif dans les premières années de la Troisième République. Satellite de La République française de Gambetta, les deux publications deviennent indépendantes en 1878 avant que la diffusion du journal ne s’amenuise à la mort de ce dernier en 1882.
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