PRÉCÉDENT

La Petite République, 14 janvier 1910

SUIVANT

URL invalide

La Petite République
14 janvier 1910


Extrait du journal

à cinq ans d’interdiction de séjour. Cette condamnation était injustifiée ; il est vrai que j’avais de fâcheuses fréquentations et que je fus, par intervalles, l'amant d’une tille galante, Alexandrine. Mais jamais je ,ne reçus de l’argent, ni d'elle ni d’aucune femme. Je ressentis profondément l’injustice dont j’étais victime et jurai de m’en venger en frappant les deux agents qui avaient pro voqué ma condamnation. Je dus ajourner mes projets, ayant été arrêté en novembre et condamné à un mois de prison pour in fraction à l’arrêté d’interdiction de séjour qui me visait. .Le 15 décembre, je sortis de Fresnes et, à la fin du mois, je trouvai de l’ouvrage chez un cordonnier de la rue de 1"Grillon. Là, tout en faisant le travail dont m© chargeait mon patron, je fabriquai, à mes moments perdus, les brassards de cuir armés de pointes que je comptais utiliser dans ma lutte projetée contre les agents. J’expliquai à mon patron qu'il s’agissait d'instruments destinés à car der les matelas. Le 8 janvier au matin, je me fis régler mon compte, six francs, et descendis de Belleville, vers le quartier Saint-Merri, où je pensais retrouver mes deux ennemis. Dans l'après-midi, j’entrai aux « Caves moder nes », 12, iue Aubry-1e-Boueller, et pris le vin blanc en compagnie de quelques gens peu recommandables, lis connaissaient mon dessein, cor je n'en faisais pas mystère. A un moment donné, on vint me dire : — Tu n’auras pas loin à aller pour trou ver des flics ; ils sont là, deux, qui guettent fa sortie. — G vs noms ? demandai-je. — Bouledogue (Deray) et Perroquet (Fournès), me répondit-on. — Tant pis ! m’écriai-je, ce ne sont pas eux, et je demeurai assis. Une demi-heure après, comme les agents attendaient toujours, je résolus, pour les éviter, de passer par la rue Saint-Martin, pendant qu'ils guettaient du côté de la rue Quincampoix. La scène du drame Mais à peine avais-je fait quelques pas, qu ils m'appréhendèrent. Je me retournai ; Perroquet m’empoigna par le bras, mais, blessé par les pointes, il lâcha, prise en pous sant un cri de douleur. A ce moment, j’aperçus des agents en uni forme qui accouraient sabre au clair ; la co lère me prit, et je me mis à frapper à l’aide du tranchet que je tenais dans la main gau che, ceux qui m'entouraient. Je reçus moi-même des coups et, en me débattant, je fus entraîné jusque dans le couloir de l’immeuble portant le n° i de la rue Aubry-te-Boucher. Je perdis la notion de ce qui se passait et frappai au hasard, dans la bagarre. Cependant, heurté et bousculé, je tombai sur les marches de l’escalier et je sentis pe ser sur ma poitrine le sabre d’un agent. C’est alors que parvenant à me relever, je déchar geai par deux fois le revolver que je tenais dans la main droite. Je fus terrassé, désarmé, et l’on me porta un coup du tranchet qu'on m’avait arraché. L’interrogatoire s’achève sur ces mots, à la demande de Liabeuf qui se sent fati gué. Il ne reprendra qu’après la guérison complète de l'inculpé et son transfert à la Santé. Notons ce détail quo le meurtrier, pour occuper les loisirs de sa détention, lit assidûment un ouvrage traduit du russe : Aventures en Sibérie....

À propos

La Petite République française – puis socialiste de 1898 à 1905 – fut une feuille républicaine à cinq centimes lancée en 1876 qui connut un succès relatif dans les premières années de la Troisième République. Satellite de La République française de Gambetta, les deux publications deviennent indépendantes en 1878 avant que la diffusion du journal ne s’amenuise à la mort de ce dernier en 1882.

En savoir plus
Données de classification
  • ménélik
  • berry
  • hamard
  • graby
  • viviani
  • depond
  • drapier
  • liabeuf
  • giraud
  • cuttoli
  • paris
  • hamelet
  • fresnes
  • réaumur
  • belleville
  • fournès
  • grillon
  • sibérie
  • quincampoix
  • douai
  • bayard
  • union postale
  • drouot
  • écoles de l'etat
  • école primaire
  • havas