Extrait du journal

chez nos bons petits alliés les Russes d’Odessa. Et le peu de grains que vous aurez récoltés, ils vous le paieront le prix qu’ils voudront, et vous serez obli gés d’en passer par leurs fourches caudines ou par la porte. Les nouveaux instruments aratoires et la cupidité des grands propriétaires vous ont déjà appauvris; le progrès, duquel vous vous détournez quand on veut vous le montrer, va vous achever. Il y a quelques jours, la Petite République, reproduisant un fragment d’ar ticle paru dans une revue américaine, a démontré comme quoi en utilisant de plus en plus les machines électriques à la culture de ses immenses domaines, l’Amérique arriverait à foire une con currence insoutenable aux marchés eu ropéens et à ceux de la France en par ticulier. De plus nous avons signalé un en semble d’expériences scientifiques ayant pour but d’employer l’électricité à ren dre plus vigoureuses et plus rapides la croissance et le développement des se mences et des plantes. On a obtenu des résultats satisfaisants. Car l’électricité exerce une grande influence sur la pousse des semences : l’application du courant électrique à des périodes assez courtes avance la germination de 30 pour cent après 24 heures, de 24 pourcentaprès 48, et seulement de 6 pour cent après 72, de sorte que les effets du courant sont de beaucoup plus importants dans la pre mière heure et se font sentir davantage sur les racines que sur la tige. L’ensemble des études et des expé riences qu’on a faites jusqu’ici, nous permet d’espérer que le jour approche, où, à l’aide des machines agricoles actionnées par l’électricité, les plantes pourront se trouver non seulement dans les conditions de développement les plus favorables, mais qu’on pourra aussi au moyen du courant électrique stimuler les énergies vitales des semences. Et comme nous la Revue américaine fait justement remarquer que les petits cultivateurs souffriront encore de ces innovations, car ils ne peuvent pas les appliquer, mais en revanche les grands propriétaires terriens partiront en guerre armés de ce puissant outillage et de tous ces moyens scientifiques et ils achèveront, tranquillement le dos au feu et le ventre à table, la disparition de la petite propriété et avec elle des petits cultivateurs voués à toutes les misères. Il est temps, mais il n’est que temps, de conjurer le danger, mais il ne faut filus ajouter foi aux-promesses des Méine et consorts, il ne faut plus croire aux paroles d’eau bénite des Deschanel et autres économistes en chambre. Il faut être de son temps et marcher avec le progrès qu’aucune force humaine ne peut faire battre en retraite. Et sous peine d’ètre obligé de recou rir aux fourches et aux faux qui ne pourraient plus rien contre les Lebel et les canons Krupp, il faut que les ex ploités de l’agriculture tassent cause commune avec les exploités de l’indus trie pour faire ensemble leur quatrevingt-neuf émancipateur. Et c’est ici la place de rappeler le dernier couplet de cette Marseillaise paysanne que tous les parias des champs et de l’usine devraient entonner en chœur, marchant en rangs serrés sous le même drapeau : Paysan 1 Songe à l’avenir, Le vieux monde est près de finir. Si tous ceux qui piochent la terre Donnaient la main aux artisans, Nous pourrions voir avant dix ans La République égalitaire ! J.-B. CLÉMENT....