Extrait du journal
récemment dans la maison ; d’ailleurs, d’un chiffonnier-secrétaire, dont les tiroirs s’ouvrent, s’échappent des objets de toilette féminine, des jupons et des pantalons à dentelles. On remarque, en très grande quantité, des factures imprimées, en blanc, au nom d’un commercant de la localité, M. Fadin. boucher, 4, rue de la Halte. Le vent violent qui souffle les disperse et active I’mceindie. Il ne reste bientôt plus de la maison que la charpente et une sorte de débarras dont les murs et la porte sont cri blés de balles. A la maison aliénait un pe tit jardin que Dubois s’occupait de mettre en valeur ; des plantations et des semis y avaient été faits tout récemment, et on les soignait ; les poireaux, les laitues, les petits pois commençaient à sortir de terre et. détail qui détonne dans ce décor de catastrophe et de cruauté, une petite corde traversant tout le jardin et soutenant des chiffons d est mes à écarter les oiseaux, est encore fixée à un roseau à une extrémité du potager. En face de la maison est le ca davre d’une chienne ; c’était Diane, la chienne de Dubois, excellente et terrible gardienne qui. en l’absence de son maître ne laissait personne approcher de la mai son : quand le garage fut investi et que la fusillade commença, la malheureuse bête était attachée à sa niche, elle y rentrait à chaque salve, puis ressortait et aboyait contre les assiégeants. On vient seulement de la détacher, elle est morte, elle a plus de vingt balles dans le corps et le sang coule par la gueule ; les balles des Lebels n’ont pas fait de gros trous: on aperçoit seulement quelques poils roussis à l’en droit où elles ont frappé. Ce que nous disent le lieutenant Fontan et M. Puch Nous parvenons à joindre M. Puch lé hardi et habile conducteur de la voiture qui aida le lieutenant Fontan à s’approcher de la maison des bandits et à y mettre le feu. L’excellent horume parait tout étonné, éberlué même, lorsque nous lui parlons de son courage et le félicitons d’avoir mené à bien la mission périlleuse qu’il s’était im posée de son plein gré. — Que voulez-vous, monsieur ? on de mandait une voiture, la mienne était là, je l’ai offerte, elle convenait parfaitement à la chose. Bien bourrée de paille, elle pouvait être un abri sérieux ; pour la con duire, il fallait quelqu’un, je connais mon cheval. 11 est habitué à moi. Je n’ai pas voulu laisser ce soin à un autre. Je suis heureux que « mon lieutenant » ait réussi à faire ce qu’il voulait. Et le brave, avec cet héroïsme des sim ples, lait pour beaucoup de l’ignorance du danger, se retourne vers de joyeux amis avec qui il parle d’autre chose. Le lieutenant Fontan lui aussi trouve son geste « tout naturel ». — C’était si simple, nous dit-il ! Tout le monde à ma place l’aurait fait ; je n’ai que le mérite d’en avoir eu le premier l’idée. Vous voyez, du reste, comme tout s’est bien passé ! Certes, tout s’est bien passé. Mais grâce à ces deux braves et à fa brèche qu’ils ont ouverte dans la maison.. En permettant aux inspecteurs de la Sûreté de pénétrer plus vite près des redoutables bandits, ils ont peut-être évité que d’autres vies humai nes soient sacrifiées ; tout ie monde du res te leur rend hommage. Un pèlerinage Les habitants de Choisy-le-Roi étaient accourus autour du garage Dubois dès les premiers coups de feu et s*étaient postés aux environs, entourant le vaste champ, théâtre des opérations. Mais c’est lorsque la nouvelle fut connue à Paris que les cu rieux affluèrent surtout ; les tramways et les trains étaient pris d’assaut ; les routes étaient couvertes de piétons, de bicyclettes, d’automobiles même, qui se dépassaient dans des nuages de poussière. Quand Bon not et le cadavre de Dubois furent partis, les curieux s'intéressaient tort au passage des automobiles emmenant à leur tour les hauts fonctionnaires et les inspecteurs de la Sûreté. A deux heures, c’était la cohue, une cohue telle que les troupes durent res ter sur place, renforcées encore par dé nombreuses brigades d’agents, pour main tenir l'ordre et empêcher l'envahissement du champ où fumaient encore les darpiers décombres. Cette foule allait là-bas com me à un spectacle unique, comme à une fête ; on sentait chez tous un sentiment de soulagement, de délivrance, tant élnit grande l’angoisse que faisaient peser sur la population parisi
À propos
La Petite République française – puis socialiste de 1898 à 1905 – fut une feuille républicaine à cinq centimes lancée en 1876 qui connut un succès relatif dans les premières années de la Troisième République. Satellite de La République française de Gambetta, les deux publications deviennent indépendantes en 1878 avant que la diffusion du journal ne s’amenuise à la mort de ce dernier en 1882.
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