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La Petite République, 30 novembre 1902

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La Petite République
30 novembre 1902


Extrait du journal

Oh ! le vilain titre ! Et comment oser le mettre en tête d’un article qui sera lu par de braves gens qui n’ai ment pas qu’on leur enlève les illusions dont ils ont besoin pour supporter leur sort, et croire qu’on est à la veille d’une mirifique éclosion des idées de justice et de vérité qui transformera l’humanité. Eh bien, tant pis! il y a si longtemps quo je vois des politiciens se succé der au pouvoir, tenir le même langage, promettre beaucoup et ne rien faire ; il y a si longtemps que nous vivons d’il lusions et que les choses en sont au même point; quoie capital est encore le maître absolu du travail ; que les cloches sonnent toujours l’angélus, la messe et les vêpres ; qu’on rencontre toujours par les rues des gens qui ont faim et qui n’osent ni le dire ni se fâ cher, et d’autres toujours prêts à vous faire le coup du père François en cinq sec ; quo les travailleurs supportent gaiement leur esclavage en se conso lant par des chansons de beuglants. Il y a si longtemps do tout cela que, ma foi oui, je suis mécontent et très mécontent, et c’est mon droit et même mon devoir de l’écrire dans le journal qui veut bien insérer ma prose. Et qui donc peut être content (et je plains ceux qui le sont : on no les croit pas) de voir où nous en sommes après plus de trente ans de République. Et cependant on croirait que les quelques bons et les très nombreux mauvais dis cours prononcés à la Chambre depuis l'ouverture do la session ont calmé les esprits, apaisé les impatiences et récon cilié tous les partis. A part les affaires fantastiques des Humbert, Boulaine et consorts où les ju ges perdent leur latin, les policiers leur temps et les gogos leur argent, à part les exploits des Apaches qui opèrent en plein jour à Paris et un peu dans toute la France et à l’étranger, de quoi s’oc cupe-t-on? Les journaux et leurs lec teurs semblent laisser couler l’eau sous les ponts et s’endormir dans les délices d’une République de liberté, de justice et de fraternité. Que nous sommes loin pourtant de cet idéal poursuivi par les socialistes, qui ne désarmeront que lorsqu’ils l’au« vont atteint! Ne voyons-nous pas tous les jours re légués aux faits divers la fin tragique de malheureux, hommes et femmes, qui se sont suicidés pour mettre fin à leur vie de misère faite de l’opulence d’un tas de parasites qui méritent bien autre chose qu’une corde pour les pendre? Ne voyons-nous pas tous les jours de pauvres diables sans asile et sans pain, qui font semblant de voler pour obtenir la faveur d’être logés en prison et d’en avoir le maigre ordinaire ? Aussi voyons-nous, par suite, que la profession qui ne chôme jamais est celle des juges condamnant sans pitié, en bloc, à tort et à travers, des incons cients et des fous, des malades et des meurt do-faim. Et malgré le calme apparent que nous constatons, loin d'avoir désarmé ou même arrondi les ongles, les ennemis de la République et des revendications ouvrières sont plus arrogants, plus exigeants qu’ils ne l’ont été jusqu’ici. Ne se contentant plus pour la défense de leur personne et de leurs intérêts de quelques gendarmes, il leur faut main tenant des escadrons de cavalerie, des régiments d’infanterie et de l’artillerie, qu’on met du reste à leur disposition avec empressement, sous prétexte de protéger l'ordre qui n’est fait que d’in justice et de désordres; pour protéger la propriété qui n’est que le fru it du rapt et de l’exploitationdeTbomme par l’homme; pour protéger enfin et surtout la religion qui n’est que mensonge, hypocrisie, instrument de servitude et d’ignorance à l’usage des parias de notre mauvaise organisation sociale. Et pendant que nous nous abandon nons au doux espoir do réformes de puis si longtemps promises, nos ad versaires poursuivent leur besogne sou terraine. On continue un peu dans toute la France à ne pas tenir compte de la loi sur les congrégations. Dans bien des...

À propos

La Petite République française – puis socialiste de 1898 à 1905 – fut une feuille républicaine à cinq centimes lancée en 1876 qui connut un succès relatif dans les premières années de la Troisième République. Satellite de La République française de Gambetta, les deux publications deviennent indépendantes en 1878 avant que la diffusion du journal ne s’amenuise à la mort de ce dernier en 1882.

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