Extrait du journal
terribles deviennent fugitives: trop souvent aussi. dans des temps de tristesse et de malheur, le présent absorbe toutes les pensées, toutes les craintes ; mais lorsqu’on cherche à découvrir l’avenir, c’est le passé qu’il faut interroger : c’est aux temps qui ne sont plus qu’il faut demander leurs enseignemens et leurs lumières. «Quelles que soient les préventions et les haines que les temps . aient amassées autour de nous, refusera-t-on de nous entendre ? On nous a imposé des sermens ; nous n’avons pu souscrire à de tels ordres ; et sur cette terre de franchise et de liberté, on nous a réduit , au nom de la souveraineté du peuple . à la condition, de paria ; mais ce paria est né du sang français : il seul, aux hattemens de son cœur , qu’il donnerait mille fuis sa vie pour la prospérité de son pays. Dès-lors, il n’est au pouvoir d’aucune puissance humaine d’étouffer ce cri de l’âme, libre expression de sa pensée. » Sans doute, nous n’avons aucun droit à être entendu de la France j mais si, à travers notre passage rapide dans les affaires du pays, nous avons désiré avec passion sa prospérité et sa gloi re ; si nous élevâmes une voix, impuissante sans doute, mais qui toujours fut française, refusera-t-on de nous entendre, parce que nous avons pensé, parce que nous pensons encore que le prin cipe de la légitimité pouvait seul établir la liberté sur d'inébran lables fondemens? » En d’autres temps, noire voix fut repoussée, quand, trop im puissant Cassandre, nous annonçâmes les malheurs du pays ; nous criâmes alors, du haut, de la tribune. que 1 anarchie était à nos portes ! Les clameurs étouffèrent notre voix. Hélas ! ces jours si tristement annoncés sont venus. Mais ce n’est plus à nos portes qu’est l’anarchie, elle est au cœur de la France; elle désole et nos cités et nos campagnes. Ceux que \ il naître le même pays sem blent étrangers l’un à l’autre, ou se rencontrent avec des regards farouches: l’anarchie a tout envahi : elle a pénétré jusque dans le foyer domestique, jusque dans le sanctuaire de la famille : elle a brisé les autels élevés à la concorde; lus cœurs ne sont plus unis, la paix a fui loin de nous ! «Dans cette lutte, où nous combattîmes en soldat, le ciel nous en est témoin, nous n’eûmes qu’une pensée, l’union du pouvoir et îles libertés. Nous la désirâmes avec ardeur; soldat fulèle, nous veillâmes à la garde du trône, gardien des libertés du pays. Quand plus d’une fois nous fîmes entendre à h> tribune de sévères averlissemens, quand nous jetâmes des cris d’alarmes, «os adversai res nous disaient que les révolutions était ni impossibles; ils nous répétaient que le principe de la légitimité était consacré par tous ! Ab! que n’avons-nous pu, au prix de notre sang, détour ner les malheurs qui menaçaient la France ! Nous élevâmes alors notre faible voix; nous célébrâmes toutes les gloires, car nous eussions voulu unir tout ce qui portait un cœur français dans la pensée de la gloire; plus d’une fois nous demandâmes que des monumens fussent élevés aux héros. D’autres temps sont venus, ces monumens vous les avez brisés, et mille actes de ia plus misé rable tyrannie sont devenus l'histoire de chaque jour. Mais, pour nous, nous sommes aujourd’hui ce que nous imnes alors : le triomphe des factions ne peut rien sur notre cuimclion ; elle reste immuable. La vue des échafauds ne Li point autrefois pâlir nos pères ! Croyez-vous donc que nous eussions assez dégénéré pour ressentir ia peur? » C’est aux amis de l’ordre, c’est â tous ceux qui portent un cœur d’honnête homme et de Français . que je confie les ré flexions que m’inspire l’état moral de la France ; j’appelle leurs pensées sur ce triste présent ; dans ce présent est écrit à la fois et leur devoir et leur avenir. » Elevons nos aines au-dessus de celte atmosphère de passions qui nous presse de toutes parts ; cherchons la vérité ; il s’agit de. tout ce que nous avons de plus cher et de plus sacré sur la terre ; il s’agit des destinées de la France, de l’avenir du pays. Subju gués par l’entraînement des passions et sous le charme d’une puissance magique, les hommes peuvent jouer leur tête dans le jeu terrible des révolutions : je ne demande point ce que furent leurs pensées au milieu de la tourmente; elles ne durent que trop se ressentir du délire de ces temps ; mais l’avenir de leurs enfans est sacré pour eux ! C’est à celte pensée que je m’adresse! et cette pensée que j’interroge est celle des jours calmes de la vie; sa voix ne trempa jamais , car elle est l’expression d’une amc, qui libre de se# passions, s’élève vers la vérité. » Quand je parle des destinées du pays, de l’avenir de la France, je demande à tous de me répondre, comme si jetant un dernier regard sur cette terre, ils voyaient se lever pour eux ce jour qui n’aura pas de lendemain ! llaias! chaque heure ouvre un tombeau , et la mort est cruelle alors qu’on laisse à ses cnfans le triste héritage des haines et des dissentions ! » Nous avons traversé la région des tempêtes. Quel est celui qui peut se flatter de résister toujours à l'entrainement cl à l’er reur dans ces jours de tourmente et de délire que l’on nomme révolution ? Des aines ardentes et solitaires rêvent dans la liberté les temps des Fabricius et des Caton. Les esprits les plus élevés sont entraînés dans les voies de l’erreur par des illusions plei nes de charmes. Nul ne peut se flatter d’échapper à sa puissance j mais quand des hommes d’honneur ont reconnu qu’ils ont. em brassé des erreurs funestes au pays, s’ils ont l’aine française, ils y renoncent ; ils le disent hautement ; ils ont droit alors au res pect de tous. Quant à ceux , qui engagés dans les voies de l’er reur, la reconnaissent, mais sont retenus par ce que l’on appelle dans le monde une irritation d’amour-propre, de tels hommes ne peuvent inspirer qu’un sentiment de pitié; sans conscience, sans entrailles, et toujours sans courage, ils sacrifieraient leur pays â une misérable satisfaction de vanité. Ce n’est point ù eux que je m’adresse ; mais je m’adresse à ceux qui portent au fond de l’ame l’ardent amour du pays : dans quelque situation qu’ils soient placés, soldats ou citoyens, c’est eux que j’interroge; c’est ù eux que je reconnais une puissance morale . et cette puissance morale ils doivent l’exercer dans les intérêts de la France. « Ecris-je sur les ruines de la patrie? sommes-nous destinés à rappeler au monde l’époque qui fut marquée par la décadcncè du Bas-Empire? Le temps qui dans sa course consacre tant de destructions a-t-il sonné la dernière heure de la gloire et de la prospérité française?' » Non . la liberté ne fuira point sur de lointains rivages ! non , les derniers temps de la gloire de la patrie ne sont point venus ' de beaux jours se lèveront encore sur la France ; toujours digne d’elle-même, et placée à la tête de la civilisation européenne, elle accomplira la grande mission qui lui fut donnée. » Regardez autour de nous , vous reconnaîtrez île toutes parts les signes certains qui annoncent l’avenir de la 1- rance. » Nous sommes à une des grandes époques de la vie des^ pies. Tous les observateurs sont frappés du mouvement prils. . « Dans cette lutte de la civilisation et de ses progrès c...
À propos
Publié d’abord sous le nom La Quotidienne en 1792, ce journal royaliste est l’organe principal de Joseph-François Michaud. Historien des croisades, ce dernier est d'abord républicain, puis devient royaliste par hostilité à la Convention. Ces revirements firent changer le journal de nom plusieurs fois durant la Révolution, l’Empire et la Restauration avant de retrouver, en 1814, son titre initial. En 1815, le journal devient la Feuille du jour.
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