Extrait du journal
des empires sur les champs de bataille ! (1) Vous portez un nou veau coup au patriotisme qui a déjà reçu de si rudes atteintes de la domination de Paris et du morcellement de la France en qua tre-vingt six cases f Pourquoi, en effet, des réserves s’armeraientelles, pendant que les armées lutteraient à quelque journées de Paris, si les armes doivent tomber des mains des guerriers au mo ment où l’on perdrait cette capitale. Il y a long-temps que la na tion française n’existerait plus, si les rois de France avaient nourri les Français de telles maximes. Au lieu donc de publier que Paris est tout, que celui qui est le maître de Paris est le maître de la France, qu’il faut fortifier Paris ; il faudrait, au contraire, pouvoir proclamer que Paris n’est la capitale que sous le rapport des sciences, des arts, des lettres et de la civilisation ; que la France a une autre capitale sous le rapport militaire ; que ce serait un grand malheur que de perdre Paris, mais qu’on ne doit jamais desespérer du salut de la patrie, tant que les Français conserveront celte valeur qui les a fait triompher de leurs ennemis pendant tant de siècle'. Avec le projet que vous proposez, Paris pris, tout sera paralysé, et la France se trouvera désarmée. L’exécution du projet en discussion n’exercerait pas une moins iuneste influence sur l’armée que sur la nation française, par les causes que je viens de développer, puisque l’armée est tirée du peuple, et par d’autres causes encore. Et d’abord, peut-on ima giner une mesure plus capable de décourager l’armée, si cela était possible, et surtout uue armée française, que de commencer d'urgence les travaux des deux enceintes de Paris, au moment même où les journaux du gouvernement font entendre claire ment que la guerre éclatera au printemps prochain ; car c’est déclarer que l’on croit, dans les probabilités de la guerre, que 'ennemi pourra pénétrer jusqu’à la capitale. Et quand on songe que les travaux projetés ne peuvent pas durer moins que le siège de Troie, on reste confondu d’une telle étourderie, pour ne rien dire de plus. Supposons actuellement que les travaux projetés soient exécu tés; l’armée chargée de couvrir Paris saurait que celte capitale est une immense place forte et qu’elle doit s’y rendre ou s’y ré fugier, en cas de revers ; mais c’est la plus funeste pensée que I on puisse mettre dans l’esprit des troupes, et elle peut énerver leur courage, particulièrement quand elles sont de nouvelle formation. Il faudrait, au contraire, pouvoir les mettre dans la nécessité de vaincre ou de périr, ainsi que l’ont fait plusieurs généraux célè bres, au lieu de leur montrer en perspective un lieu de retraite. Le soldat ne doit avoir les yeux fixés que sur ses drapeaux, et ne doit attendre de salut que de ses chefs et de ses armes. Je terminerai par une réflexion relative au principal reproche que les partisans de i’enceiute continue, sans les forts détachés, adressent aux partlsansdes forts détachés, sans l’enceinte continue; ils leur reprochent d’appuyer un système qui a pour but principal d’embastiller Paris. Ils ne savent donc point que l’on convertit très promptement un bastion d’une enceinte continue en une ci tadelle en le fermant à la gorge;c’est le moyen que l’on emploie quand une place qui n’a qu’une enceinte n’a point de citadelle et qu’on veut s'en procurer une promptement pour maintenir les habitans. Entre plusieurs exemples, je citerai celui de Hambourg, eu 1813 ; on y convertit ainsi deux bastions en citadelles. Cet article était terminé lorsque j’ai lu une brochure Intitulée : Considérations sur la défense de Paris, par le commandant Rocquancourt, directeur des éludes, à l’école de Saint-Cyr. La première partie de cette brochure est consacrée à l’examen de la question dont nous venons de nous occuper; la seconde, à déve lopper un projet de fortifications que l’auteur de la brochure propose d’exécuter entre Paris et la frontière, en opposition avec le projet de M. Thiers, de concentrer toutes les fortifications au tour de Paris. M. Rocquancourt étant connu par un excellent ouvrage intitulé : Cours d’art et d'histoire militaires, nous nous appuyons de son autorité et nous reproduisons les conclu sions de sa première partie que nous adoptons presque de tout point. i il résulte, dit-il, pour nous, de ce qu’on vient de lire : i 1" Que, dans le cas d'une guerre nationale, les fortifications de Paris, les forts comme l’enceinte, deviendraient de fait inuti les; »2° Que dans le cas d’une guerre ordinaire, d’années à armées, elles ne retarderaient que de quelques jours la capitulation; » 3" Qu’elles ne dispenseraient pas le gouvernement d’aller s éta blir ailleurs; » 4° Que l’ennemi, selon toute probabilité, arrivera plutôt sous Paris entouré de bastions, que sous Paris sans bastions, si tant est qu’il doive jamais y revenir; » 5° Que la contraction, nécessairement fort longue, de l’en ceinte de Paris, pourra ne pas être sans inconvénient pour l’or dre public ; » 6° Et comme conclusion, que ces fortifications, si formidables qu’on veuille les imaginer, seraient impuissantes pour arrêter l’iuvasion et donner le temps de créer de nouvelles ressources. » (1) Il y a, dit Napoléon dans ses Mémoires, des empires entre une ba taille gagnée et une bataille perdue. Aussi y pose-t-il celle maxime que l’on doit réunir toutes scs forces lorsque l’on veut livrer une bataille, parce qu’un bataillon décide quelquefois du sort d’une journée....
À propos
Publié d’abord sous le nom La Quotidienne en 1792, ce journal royaliste est l’organe principal de Joseph-François Michaud. Historien des croisades, ce dernier est d'abord républicain, puis devient royaliste par hostilité à la Convention. Ces revirements firent changer le journal de nom plusieurs fois durant la Révolution, l’Empire et la Restauration avant de retrouver, en 1814, son titre initial. En 1815, le journal devient la Feuille du jour.
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