Extrait du journal
questions au nom de la gauche ; M. Thiers, dont la mission minis- ' tériellc semblait être d’occuper l’attente générale , sans la satis faire, a mis à côté les réponses. La matière de la discussion se divisait naturellement. D’abord se présentaient les deux promesses positives faites dans le discours d’ouverture : la nationalité polo naise ne périra pas, les places fortes frontières de la Belgique qui menacent la France seront démolies ; ensuite, la question belge, prise d’une manière générale ; puis la question italienne, avec le grave incident qui la complique ; puis, enfin, un tableau géné ral de la situation diplomatique de la France , telle qu’elle est maintenant, rapprochée de ce qu’elle était il y a un an. Chacune de ces questions présentait le texte d’un reproche contre le mi nistère. La nationalité polonaise, qui ne devait point périr, est morte ; les places fortes, qui devaient être démolies , sont debout; la question belge, qui devait être dénouée. est encore pendante ; la question italienne semble en travail d’une humiliation ou d’une catastrophe ; enfin la Révolution de juillet a perdu ses alliances révolutionnaires de Pologne, d’Italie, sans avoir recouvré les al liances naturelles de la France. Pas un trait de ce tableau qui ne soit une vérité, et M. le gé néral Lamarque , en achevant de l’exposer , n’a pu s'empêcher de rendre hommage à la restauration, et de rappeler que ce ne fut point ainsi qu’elle entendit l’honneur national. et que . lors qu’à près les jours de malheur et d’épuisement, elle sentit le sang evepir au cœur de la France, elle n’attendit pas long-temps pour faire sentir à l'Europe une main ferme , pour lui faire en tendre une voix fière. Si tous les vices de la politique extérieure du 13 mars avaient été dévoilés dans cette attaque, ils devaient recevoir un nouveau jour de l’apologie ministérielle de M. Thiers. Certes , on peut le dire, un système qui inspire de pareils panégyriques doit être au-dessous de tout. et quand on a de si pauvres argumens à faire valoir, quand on est obligé de se réfugier dans une argumenta tion où l’innocence des aveux se mêle à chaque instant à l'effron terie des sophismes, il faut que l'on en soit arrivé au point de faire aussi peu de cas de sa dignité que de celle du pays. Sur la promesse du discours d’ouverture relative à la démoli tion des forteresses belges, pas un mot dans la harangue de A1. Thiers. Sur la nationalité promise officiellement à la Pologne dans le même document, une réponsq à peu près aussi satisfai sante qu’un silence complet. On n’a'Çnint secouru la Pologne , pourquoi ? Parce que cela était impossible. On ne lui assure pas sa nationalité, pourquoi? Parce que cela est impossible. Et quand il s’agit de la première intervention autrichienne en Italie , c’est encore l’impossibilité qui a prévenu l’oppositioii du 13 mars. A merveille , grands politiques ; mais après nous avoir dit ce que vous ne pouvez pas , nous direz-xous enfin ce que vous pouvez ? Cela abrégerait le temps et ménagerait la patience du pays. Vous ne pouvez’pas faire une Pologne? eh! mon Dieu, qui vous en croit capable, et qui vous en prie? Vous ne pouvez pas non plus faire une Italie? qui vous en a jamais parlé ? Mais vous aviez pro mis d’assurer la nationalité polonaise, et vous ne l’avez point fait ; souffrez donc qu’on dise que , vous qui savez si rarement vouloir, quand vous voulez, vous ne pouvez pas. Quant à l’Italie, l’Autriche non plus ne l’a point fondue en une seule nation ; mais l’Autriche y domine, son influence y est souveraine ; l’avez vous contrebalancée ? avez-vous fait prévaloir ce principe de non intervention que vous aviez posé? Non, sans doute, car cela était encore impossible. Vous avez raison : en face de l’impuissance, l’impossibilité est partout. Les explications données par M. Thiers sur la non-ratification des vingt-quatre articles par les cours du nord,sont assez curieuses pour qu’on les cite. « Elles n’ont point ratifié, a dit l’orateur; mais qu’importe? » Question admirable qui contient en germe tout ceci. Au lieu d’être d’accord, l’Europe est divisée ; au lieu d’être résolu. le problème est en suspens; au lieu d’avoir une chance de paix, nous avons une chance de guerre. Mais, comme dit M. Thiers, qu’importe? les puissances n ont point ratifié, c’est qu’elles avaient quelque chose de mieux à faire ; nous attendrons , qui sait? une autrefois, plus tard , elles ratifieront. La question belge conduisait naturellement l’orateur à parler de l’allianceuniquequelc 13 mars ait, nous ne dirons pas obtenue, mais achetée, de l’alliance de l’Angleterre; il l’a fait en termes si magnifiques , il a exposé les avantages de cette union avec tant d’exagération , qu’on pourrait en conclure qu’il avait besoin de faire oublier qu’il passait sous silence les puissances conti nentales, dont le ministère avait naguère l’habitude de signaler les dispositions pacifiques. «La neutralité de l’Angleterre, s’est écrié M. Thiers, nous suffirait en cas de collision avec l’Europe entière.» Faut-il mesurer à ces paroles tout ce que le ministère a à craindre , et le peu qu’il a à espérer ? Et encore nous ne rap pelons point ici tout ce qu’une alliance avec la Grande-Bretagne a de faux, d’incertain, de peu national; nous ne rappelons point que ce n’est là qu’une coalition de cabinets, et non une sympa thie entre les intérêts de deux pays; nous ne disons point qu’ainsi un échec ministériel peut renverser cette alliance équivoque. qui, de l’aveu de M. Thiers, nous a coûté si cher, puisque nous l’avons payée de tout un royaume , de toute la Belgique ; nous n’ajouterons point que nous avons affaire à un cabinet qui, après nous avoir vendu son alliance, peut la vendre à nos ennemis ; car l’Angleterre n’a jamais reculé devant les per fidies lucratives, et l’on reconnaît la moralité de sa politique mar chande....
À propos
Publié d’abord sous le nom La Quotidienne en 1792, ce journal royaliste est l’organe principal de Joseph-François Michaud. Historien des croisades, ce dernier est d'abord républicain, puis devient royaliste par hostilité à la Convention. Ces revirements firent changer le journal de nom plusieurs fois durant la Révolution, l’Empire et la Restauration avant de retrouver, en 1814, son titre initial. En 1815, le journal devient la Feuille du jour.
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