Extrait du journal

L’inconnu lui désigna du doigt M de Fargis, dont la figure s'était empourprée et dont les yeux s’étaient fermés. —Voyez, monsieur le marquis, dit-il, malgré les saignées réitérées qu’on a pratiquée cette nuit, la fièvre ne l’a pas quitté et le sang afflue encore au cerveau ; cependant je suis sans inquiétude, et l’on peut s’en lier à ma tendresse, ce jeune homme est tout pour moi.., je suis son père. —31. de Fargis! dit le marquis de Rieux. Le gentilhomme prit 31. de Rieux par les mains, le fit sortir de la pièce où reposait son tils et le conduisit par un assez long corridor dans un petit jardin où quelques arbres plantés en allées commençaient à verdir. — M. le marquis, dit-il, en s’avançant avec 31. de Rieux vers une espèce de pavillon ouvert, et meublé d’une table et de quelques sièges, vous voyez en moi un homme éprouvé par la fortune, un proscrit dont la tète a été mise, à prix, et qui, par hauteur ou par dédain, a néglige jus qu’à aujourd'hui de faire annuler le jugement qui lecondamna à mourir sur un échafaud. — Vous, 3Ionsieur? — 31oi-méme. 3Ion histoire n’est pas longue et elle pourra peut-être vous arrêter dans vos projets de ven geance. — Et qui vous a dit, Monsieur, que j’avais des desseins qui pussent m’attirer un tel châtiment? — Vous venez tantôt de me les laisser deviner, et vous verrez en m’écoutant que je suis mieux instruit que vous ne croyez. J'étais, il y a vingt ans. tranquille et heureux dans mes terres, suffisamment riche pour ne rien désirer, et marié avec une femme que j’aimais. Je n’avais qu’à jouir du bonheyr d’être roi dans mes domaines, malheu reusement la femme de mon frère, 31me de Fargis, était dafne d’honneur de la reine. — De la reine-mère? demanda M. de Rieux. — Oui, monsieur le marquis, d’Anne d’Autriche, et même c’était une espèce do favorite, faveur qui ne s’a chète jamais que par la connaissance de secrets dange reux, que par une participation directe à des intrigues périlleuses. Telle était la position du ma sœur qui avait besoin auprès d’elle de quelqu’un de dévoué : elle songea à moi. Je résistai long-temps. Ma sœur fit briller à mes yeux la fortune dont je n’avais pas besoin, mais qui tente toujours ceux qui en sont les mieux pourvus : La faveur qui éblouit, les honneurs qui séduisent, et comme tout cela ne me tentait que faiblement, la reine intervint; elle...