Extrait du journal
coudées, on vient se placer sous son abri écrasant. On s’apprête à toucher l’épée d’Austerlitz; on va dépoétiser des cendres, en les eplevaot à une tombe posée au sein de l’Océan tumultueux pour les transporter sur les bords de la Seine paisible. Et en tout cela, croyez-vous qu’il y ait un système ? Eh! mon Dieu non! On se prend à la première branche venue, on fait provi dence de tout, on vit de la vie des autres, jamais de son propre sang. A l’heure qu’il est, c’est un prêt usuraire que fait l’opinion napoléonienne en cédant les cendres de Saint-Hélène et le glaive de tant de batailles. Cette opinion compte bien demander quelque jour le capital et les intérêts à ceux qui dévorent l’avenir pour nourrir le présent. Ce n'est pas tout. Lisez l’exposé des motifs de M. de Rémusat. Par Napoléon, on se lie à son Empire, et dans le mot de légiti mité dont on l’entoure, on s’adresse à l’ancienne monarchie. Singulière préoccupation que donne la légitimité! On l’avait abo lie en juillet connue une dénomination surannée, comme une qualification finie, éteinte. Ne l’avait-on pas reléguée parmi les oripeaux des vieux âges? Puis voilà que tout à coup on se met à l’invoquer; tout le monde veut être légitime; les doctrinaires avaient d’abord inventé le mot quasi-légitimité ; cela ne suffit plus : l’empereur a été légitime, AI. de Rémusat l’a dit. S’il est en core un membre du Directoire vivant, il voudra, lui aussi, être légitime. On semble vouloir renouveler ces temps où , d’après une magnifique expression, tout était dieu, excepté Dieu même. Alais comme Dieu seul est Dieu, la légitimité, parmi les choses de la terre, a cela aussi, dans sa nature, «i'étre elle seule la légitimité. De tout ceci, sortent d’étranges inconséquences pour le sys tème actuel. Si vous prenez la légitimité dans le sens absolu du mot, Napoléon a laissé des héritiers, et vous devez les reconnaî tre; si ce n’était pour lui qu’une légitimité personnelle, elle ne constitue donc qu’un pouvoir viager, qu’une présidence royale, qu’une sorte de consulat à vie. Sont-ce là vos doctrines pour toute souveraineté révolutionnaire ? Expliquez-vous; songez qu’un ministre l’a dit. Quel esprit de vertige ! Est-on arrivé à ce point où, comme parle l’Ecriture sainte , la tête tourne, et serait-on exposé à ces quatre vents de l’Apocalypse, qni emportent la feuille et la font tourbillonner sans direction ! Voyez, en effet, comme vous démentez tout ce qui s’est dit depuis dix ans, non seule ment à la France, mais à l’Europe. Voici vos discours : « Nous avons vaincu la révolution, elle est enchaînée. » Et voilà que les affaires de l’état sont aux mains d’un ministre qui se pro clame Venfant de la révolution. Vous affirmiez aussi que : « les légitimistes étaient le parti du passé; que leurs principes avaient perdu leurs prestiges ; »et vous Incrivez partout le mot de légiti mité, même sur les cendres de Napoléon. Vous avez annoncé que,depuis l’événement de Strasbourg, le parti napoléonien était sous vos pieds, et vos mains cherchent àsoulever la lourde épée du grand capitaine. Et qu’eu voulez-vous faire ? Encore une nouvelle con tradiction ; vous proclamez la paix à tout prix, et, pour symbole, vous prenez l’emblème de la guerre. Il ne reste plus qu’à nom mer AI. Thiers grand connétable. De ce désordre, quelle conséquence tirer ? Que, s’il est vrai qu’il existe un certain ordre matériel, malgré les incendies, la faim, les faillites et les émeutes, sur tous les points du royaume , il règne, ceci est incontestable, une anarchie complète dans les esprits. Or, il en est des nations comme des individus. Il n’y a plus de garantie pour la fortune, ni même pour la vie, lorsque l’intelligence est troublée....
À propos
Publié d’abord sous le nom La Quotidienne en 1792, ce journal royaliste est l’organe principal de Joseph-François Michaud. Historien des croisades, ce dernier est d'abord républicain, puis devient royaliste par hostilité à la Convention. Ces revirements firent changer le journal de nom plusieurs fois durant la Révolution, l’Empire et la Restauration avant de retrouver, en 1814, son titre initial. En 1815, le journal devient la Feuille du jour.
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