Extrait du journal
Bourges, 19 juin. Nous parlions avant-hier du désordre moral du pays. Nous le signalions en haut, en bas, partout. Il était im possible que l’administration elle-même ne s'en ressen tît pas. Aussi la plupart des services publics souffrentils. Le gâchis est à peu près passé à l’état normal. Il est vrai que l’incapacité est pour beaucoup dans ce système préjudiciable d’action. Que de mesures incohérentes ! que de contradictions 1 que de sottises ! Le successeur oublie ce qu’a fait le prédécesseur, ou , ce qui est pis, le même homme a deux poids pour peser la même chosç. Nous demanderons, à cet égard , à M. le ministre de l’intérieur en quoi le journal de la province diffère , quant aux immunités . quant aux droits , du journal de Paris. Le journal de Paris a-t-il des privilèges que n’a pas ou ne peut avoir le journal des départements ? Pour quoi cela, s’il vous plaît? N’osez-vous faire crier le jour nal de Paris, et vous moquez-vous des plaintes que pourra faire entendre le journal départemental placé sous votre exceptionnel arbitraire? Pour nous, nous protestons, et nous sommes bien disposés à en appeler à la justice si M. le ministre de l’intérieur ordonne qu’il soit donné suite à la demande faite à notre éditeur par la lettre suivante : PRÉFECTURE DU CHER. « Citoyenne, a Vous m’avez déclaré vouloir imprimer un journal politique ayant pour titre : République de 1848. b Celte formalité n’est pas la seule que vous ayez à remplir. » Par sa circulaire du 9 courant (juin), le ministre de l’inté rieur rappelle l’obligation de la part des propriétaires et gérants de journaux de déposer un cautionnement. » Je vous invite donc à remplir celte deuxième formalité le pluslôt possible. Les lois relatives à'la publication des journaux doivent être exécutées dans toutes les parties qui n’ont pas été abrogées par les décrets du gouvernement provisoire. » Salut et fraternité. » Le préfet du Cher, Risodin-Planet. » Oui, c’est un cautionnement qu’on nous demande. On oublie que cent cinquante journaux paraissent quotidiennement à Paris sans cautionnement. On oublie qu’à Colmar un commissaire extraordinaire voulut, lui aussi, imposer un cautionnement à un journal qui venait de paraître , et que , sur la juste plainte de ce journal, répétée d’ailleurs par la presse de Paris qui s’y est associée , le ministre de l’intérieur d’alors a fait re tirer la demande du commissaire. On oublie que la révolution de 1848 a été faite au nom du salut de tous les droits, au front desquels on a placé celui de publier désormais ses opinions sans entraves, dans la seule limite du respect des personnes ou des principes éternels des sociétés, la propriété, la famille. Le timbre n’est pas aboli par une loi. Le perçoit-on , pourtant? On a voulu l’exiger. Qu’a répondu en dernier lieu le gouvernement issu des barricades aux protesta tions présentées? < Que la presse soit libre » El elle l’est ! C’est le fiat lux de la loi sainte. Foulant aux pieds tout ce passé, va-t-on réclamer aussi le timbre ? Ce serait curieux. Mais il y a des abro gations virtuelles, tout aussi dignes de respect que celle de la fameuse loi de bannissement de 1832, abrogation virtuelle proclamée par le ministre de la justice luimême, et nous prévenons qu’à défaut de la loi qui fixe l’impôt, il y aurait exaction si on insistait. Insistera-t-on pour le cautionnement en ce qui nous concerne? Ce n’est pas possible. La loi de 1835 elles lois antérieures sur cette muselière de la presse monarchi que sont abrogées, et nous demandons, nous, une loi formelle pour payer. Quand on nous présentera cette loi, nous verserons à l’instant même le cautionnement qu’elle aura fixé. Aujourd’hui il ne s’agit pas d’argent, il s’agit d’un principe. 11 s’agit du principe sacré et à ja mais inviolable de la liberté de la presse. Il s’agit d’un principe d’un ordre moins élevé, mais non moins inattaquable : il s’agit de l’égalité. Pourquoi méconnait-on celte égalité entre le journal de Paris et le journal de province ? Sans doute, on reconnaît fort bien qu’on n’a point de droits , point d’action possible contre le journal de Paris, et on s’arroge une autorité envers nous 1 On fait de l’inégalité 1 On viole la République ! Nous la ferons respecter....
À propos
Initialement intitulé La République de 1848, le journal se rebaptise le Courrier de Bourges quatre années plus tard, en 1852. En 1872, le journal devient le Courrier du Berry puis, de 1883 jusqu’à sa disparution en 1902, Le Messager du Cher.
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