Extrait du journal

LA RÉPUBLIQUE DES LETTRES. Où est la Tragédie î Lorsqu’une révolution change la face d’un pays et vient marquer d’une nouvelle empreinte les institutions, les mœurs, les idées, la littérature et l’art se transforment comme le reste des choses. Certes, l’émancipation politique est un fait d’une trop profonde portée pour qu’il y ait au monde un littérateur assez sceptique, un artiste assez indolent, dont l’esprit et le caractère amoureux des jeux de l’intelligence, épris des formes et des couleurs, échappent à la grande passion qui saisit tous les citoyens. Souvenez-vous de cette déesse de l’Iliade qui enlevait les guerriers par la chevelure; eh bien, la déesse République vient, elle aussi, de nouer sa main puissante à nos boucles blondes ou blanches, et elle a soulevé de terre non seulement les hommes et les vieillards, mais encore les poètes rêveurs, amis des ombrages épais et des ruisseaux chanteurs, non seulement les femmes et les petits enfants, mais encore les grands et sublimes enfants qui dérobent au soleil des rayons pour en allumer le bout de leurs pinceaux, et qui volontiers passeraient leur vie sur de frais gazons jonchés de belles femmes à contempler un ciel bleu, toujours bleu, pareil dans son bleu impassible à ces grands yeux de jeune fille qui s’ouvrent à la fois stupides et penseurs....