Extrait du journal

VI Y a-t il jamais eu une époque, dans la vie des sociétés, durant laquelle l’homme n’eût pu vivre richement — richement selon les goûts de l’époque — des fruits d’un travail collectif? On prétend généralement que l’homme primitif devait nécessairement rester dans la misère, à la suite de son ignorance, et, comme tous les autres, je l’ai cru aussi. Mais plus on étudie les origines des sociétés humaines, plus on s’aperçoit du contraire. A part les périodes de calamités naturelles (changements rapides de climat, tremblements de terre, période glaciaire, etc.) et à pari les guerres et les invasions, les primitifs mîmes parvenaient à se donner une vie riche selon leurs goûts avec une quantité très minime de travail. Lisez les descriptions des sauvages laissées par les grands navigateurs des siècles passés; lisez celles de quelques voyageurs récents, et vous verrez que là où la société n'est pas tombée sous le joug des prêtres et des guerriers, l’abondance règne au sein des primitifs. Comme les oiseaux so viables, ils donnent la matinée au travail collectif. Ils prennent leur repas commun, et le soir ils s’amusent. Rien des misères de la vie des prolétaires dans les grands centres industriels de notre époque! La misère ne vient à eux que lorsqu’ils tombent sous le joug d’une autorité quelconque....