Extrait du journal

I. Quand on apprit à Plombières que Mme Vernier, après trois mois de mariage, avait quitté son mari et s’était retirée chez sa tante, l’agitation fut extrême, les têtes se montèrent et les langues se mirent à marcher comme des ailes de moulin par un grand vent. Cet événement arriva au mois de décembre, à l’époque où les bourgeois de cette petite ville, complètement oisifs, mourraient d’ennui sans la médisance. Toute station thermale ressemble à l’un de ces animaux dont l’existence se partage en deux phases, le temps où il mange et le temps où il digère : pendant quatre mois, Plombières, ainsi que ses sœurs les autres villes d’eaux, appartient aux étrangers, s’efface pour leur faire place, leur livre ses maisons de la cave au grenier, de la cuisine à l’alcôve; transformée en humble servante, elle s'empresse autour d’eux, les flatte, les gratte, les sert, les écoute, les épie et, avec un zèle ardent, les soulage du trop-plein de leurs bourses; puis, aux premiers mauvais temps, quand les oiseaux de passage ont pris leur volée aux quatre coins de l’horizon, la population indigène rentre en possession de ses logis, de ses meubles, compte les écus gagnés, les place avec soin, retombe dans ses habitudes et digère pendant huit mois cette vie brillante, cette animation extérieure, cet épanouissement de toilettes fraîches, cette rumeur ailée de conversations, auxquels elle a donné... c’est-à-dire vendu l’hospitalité. Oh I telle longue digestion dans la pluie, dans la neige, au milieu es rafales qui mugissent en traversant la ravine où Plom•ères est construite ! ces sombres jours d’hiver ! ces interminables soirées! comme il est difficile de les remplir cl...