Extrait du journal

Une erreur singulière autant que préméditée détermina en 1786 le mariage du baron Erik Magnus Staël von Holstein ; mariage d’ambition, conclu après six années de secrètes négociations qui suffiraient à prouver les talents diplomatiques de Staël : sans fortune, sans espérances, sans autres atouts que sa belle figure, son élégance, un titre de baron usurpé, et des dettes, il a su intéresser à son sort les puissantes amies de son maître, une la Marck, une Boufflers (1), Marie-Antoinette elle-même, faire de son mariage une affaire d’État, s’imposer à Gustave III, attaché, chargé d’affaires, ambassadeur, obtenir aux conditions des Necker la double approbation et la double garantie des rois de France et de Suède, stipuler à la satisfaction de tous le plus explicite et le plus avantageux des contrats. Son mariage est un chef-d’œuvre, et qui permet de présager une belle carrière d’intrigant et de politique. Tel est du moins l’avis de la plupart des contemporains. En un temps où des caprices de femme décident des grandes affaires, on ne compte pas avec la personnalité donne femme. On ne s’avise pas que cette intrigue est bourgeoisement médiocre, que cette habileté laborieuse est aveugle. Certes la conquête d’une Corinne est une entreprise assez belle, et qui procurera...