Extrait du journal

M. RENAN ET L’IDÉE CHRETIENNE L’éminent érudit qui a écrit avec tant de charme ce roman, disons ce pomo de La vie de Jésus qu’on a appelé plaisamment un cinquième évangile, vient de faire paraître le volume qui clôt la série de ses Etudes sur le christianisme. Dans ce volume intitulé Marc-Aurcle qui parait le jour même où j’écris ces lignes (11 novembre) et dont je n’ai lu encore que des extraits publiés par les journaux, l’auteur soutient cette thèse étrange, contre laquelle je lui demande la permission de protester, « que le but du christianisme n'était en rien le perfectionnement de la société humaine. » C’est le contraire qui est vrai. Le christianisme n’a pas eu d’autre but à l’origine. Le perfectionnement de la société humaine a été l’idéemère et fondamentale de la révélation évangélique, et ce fut là cette «Bonne Nouvelle » (Evaggélion), sous laquelle le monde tressaillit il y a 18 siècles. Que le but social de la parole évangélique ait été bientôt méconnu, enterré sous les dogmes et remplacé par un autre objectif, celui du salut individuel et du jugement dernier, avec les craintes de l’enfer et les espérances du Paradis, c’est incontestable ; mais ce qui n’est pas moins certain, et le NouveauTestament en témoigne en toutes ses pages, c’est que le christianisme primitif est venu apporter aux hommes, non-seulement un nouvel idéal religieux, c'est dédire une façon nouvelle de comprendre Dieu, mais aussi une nouvelle manière de comprendre leurs relations avec leurs semblables. Ce qui revient à ce que nous appelons aujourd’hui une sociologie ouuneorganisation sociale nouvelle....