Extrait du journal

Dans un champ de pommes de terre Un chasseur, un jour, poursuivait Un lièvre — curieux d'en faire Un friand et royal civet. Il se pourléchait les babines Comme un chat dans un bol de lait. Fière parmi les carabines Sa carabine étincelait. L’ogre avait flairé la chair fraîche ! — Il souriait d*un œil méchant Mais, plus rapide qu’une flèche, L’animal fiait dans le champ. Le sol labouré de la veille Et trempé de pluie, était mou. Et le chasseur baissant l’oreille Enfonçait dedans jusqu au cou. Et voyant s'enfuir les rigottes Comme fuit l’eau dans un tamis, Notre chasseur aux grandes bottes Triste, songeait à ses amis. Il ne faut pas trop tôt promettre Du gibier à son maître queux ; Vu que l’on peut, fût-on un maître, S’emizer dans un sol visqueux. J'assistais au cruel martyre Du chasseur au cœur soucieux. Enfin il se rajuste. Il tire — Et le lièvre..... n'en court que mieux. Et — sublime effort —je vis l’homme Se dégager d’un bond viril Et voler dans la plaine, comme Une hirondelle au mois d?avril. Mais (ses pattes étant pareilles A la roue alerte des Jours) Le coureur aux longues oreilles S'évanouit ; et pour toujours. Témoin de cette catastrophe, Je dis au Nemrod dépité : — Ainsi revient le philosophe De la chasse à la vérité !...