Extrait du journal

LES PROMENADES NAPOLÉONIENNES. M. Louis Buonaparte , président de la République , se promène; il fait le mieux qu’il peut son lourde France ; il occupe toutes les plumes des journaux chargés de recueillir pour la postérité les plus vulgaires détails de son odyssée. Malheureusement , le résultat des visites faites parle chef de l’Etat, comme dit le Moniteur , à nos principales cités, n’est pas toujours des plus satisfaisons pour nos chauds impérialistes. M. Louis Buonaparte , qui tient sans doute à imiter son oncle , a beau se déchaîner contre les idéologues cl contrôles mystiques, cela ne prend pas toujours, et l’incomparable éloquence dont il épanche les flots n’est pas invariablement couronnée par le succès. A Amiens , ville de l’estimable M. dc Nouvion , les choses se sont passées à merveille. On a crié : Fœe absolu ! comme dit le Courrier de la Gironde. On a failli étouffer M. Louis Buonaparte sous une avalanche de fleurs, et tandis que M. Oudinot faisait bombarder Rome , les belles Amiennoises bombardaient avec leurs bouquets l’illustre M. Changarnier, et se laissaient aller à l’impérieux besoin d'effeuiller dos roses sur sa tête. A Rouen, l'enthousiasme a été un peu moinschaud, malgré la présence de M. Thiersetde M. Lucien Murat. Mais au Havre l’horizon napoléonien s’est tout-à-coup obscurci. Le maire a fait entendre des paroles parfaitement nettes, qui ont dû résonner assez désagréablement à certaines oreilles.On a fort peu crié: Vive Napoléon ! mais, en revanche , on a crié à pleine poitrine : Tire la Constitution ! Vive la République ! Décidément il y a des facétieux partout, et M. Louis Buonaparte ne peut se permettre de faire un pas ^rencontrer un serpent caché parmi les fleurs qu’il foule sous ses pieds....