Extrait du journal

La session ordinaire des Chambres en 1901 est close depuis samedi après midi. Mais elle ne i’a été. qu’en vertu d un coup d’autorité que M. WaldeckRousseau a opère à la Chambre pour éviter l’assaut des socialistes, et dont il s'est trouvé lui-même fort embarrassé quand il a passé au Sénat. Comme, en effet, les députés socialistes Pastre et Zévaès voulaient qu’avant la clôture de la session l’on discutât leur interpellation sur ces professeurs de l'Université qui ont été frappés pour leur sans-gêne au regard de la patrie et de la propriété privée, le président du conseil, qui craignait tout d’un pareil débat, a contrecarré l’insistance des interpellateurs en lisant brusquement le décret de clôture. Et vainement les Pastre et les Zévaès ont-ils protesté bruyamment contre ce procédé dictatorial : M. Deschanel a levé la séance et s’est couvert pour faire respecter, a-t-il dit, les prérogatives du président de la République. Or, dans le même temps, la séance du Sénat était suspendue, et la commission des finances s’attardait à examiner vingt millions de crédits supplémentaires, reliquat d’un total de quarante huit millions dont le Sénat, dans sa séance de vendredi, n’avait voté que vingt huit. Quand la commission a connu le fait de la lecture du décret de clôture à la Chambre, elle a pensé ne plus pouvoir délibérer utilement et elle a brusquement arrêté les frais. Toutes les instances des ministres pour calmer ses scrupules constitutionnels ont été superflues, si bien qu’il a fallu reprendre la séance sans recevoir le rapport attendu sur les crédits supplémentaires, et M. Monis a lu le décret de clôture, avec autant de résignation humiliée que M. Waldeck-rousseau y avait mis de brusque emportement à la Chambre. La conséquence de l’incident est que l’adoption des quarantehuit millions de crédits par la Chambre reste de nul effet, que les vingthuit millions ratifiés par le Sénat l’ont été eux-mêmes en pure perte, et que, faute de la discussion des vingt autres millions, et faute d’un vote d’ensemble, aucune promulgation n’est possible. Ce n'est donc que par des virements et d’autres irrégularités financières que pourront être soldées, en attendant la rentrée d’automne, diverses dépenses engagées par les ministres, et notamment une acquisition de chameaux pour le Touat, effectuée par le général André, que désolait le nonpaiement de ces animaux dont la sobriété fait son remords. Mais tel est le ministérialisme de la majorité du Sénat qu'en dépit de la déconvenue financière infligée aux ministres, elle se félicitait quand même de les voir échapper au péril qu’ils avaient couru à la Chambre....