Extrait du journal

J’ai souvent développé cette idée que la question sociale serait promptement résolue si l’on mettait au service des honnêtes gens dans l’embarras ou dans la peine les mêmes ressources que l’on offre aux criminels, aux mendiants, à tous ceux qui ont failli. Cette observation n’a pas pour but de décourager les personnes généreuses qui vouent leur temps, leur argent et leur cœur au soulagement et à l’amélioration des criminels. Mieux vaut patronner les libérés que se renfermer dans l’égoïsme. Mais quand je constate la multiplication de ces œuvres de patronage je pense involontairement à tous ces déshérités de la vie qui n’ont jamais été condamnés et qui végètent privés d’appui, privés de secours, à la recherche d’un travail problématique ou liés à une tâche infructueuse. De malheureux ouvriers peinent tout le jour, mangent insuffisamment et, le soir, dorment dans un bouge sans que personne s’inquiète de leur sort. Pendant ce temps de somptueux édifices reçoivent les criminels en d’hygiéniques locaux. La nourriture leur est assurée et quelques douceurs avec. De compatissants visiteurs viennent leur apporter la bonne parole. A la liberté près dont la plupart se moquent, ces heureux criminels ont une vie matérielle et morale, meilleure que celle de honnêtes gens sans le sou....