Extrait du journal
Il y a une dizaine d’annees, Paul Acker séjournait pour la première fois en Nor mandie. J éprouvais un charmant orgueil à vanter devant lui ma petite patrie, à lui révéler les richesses et l’aspect intime de ses vallons, pleins de mystères, où les sources invisibles gonflent les mous ses. Cette nature opulente sous le ciel argenté, cette verdure, qu'enveloppe une grisaille légère, ces forêts mystiques, ces vieilles demeures, avec leurs pignons penchés sur les ruelles étroites, au pavé gras, qu’emplit l'odeur de saumure, ve nue de la mer toute proche, ces églises séculaires, ces ruines antiques, cette sensation envahissante d’infini, au delà des nuages, et d'indéfini au-delà des flots, parurent attachantes a sa pensée d’artiste, et j’étais fier de cette admiration pour la terre normande, ou nous goû tions l'ineffable douceur de nous savoir en France. J’évoque ce souvenir ou, plutôt, il re vient naturellement a ma mémoire, au moment même où j’achève le dernier livre de Paul Acker, ce livre vivant, sous un voile de deuil, cette œuvre profonde, douloureuse et vraie dans sa concision, qui porte le titre, suggéré par une souf france hautaine et amère : Les Exilés. Un jour. Paul Acker voulut, à son tour, me conduire chez lui, en Alsace, et nous avons accompli ce pieux pèleri nage ; là j’ai ressenti l’émotion pure de la gloire que procurent une race invinci ble dans son atavisme et un peuple
À propos
Fondé en 1911, quarante ans après la guerre franco-prussienne de 1870, L'Alsacien-Lorrain de Paris est un journal destiné principalement aux alsaciens émigrés à Paris à la suite de la guerre franco-prussienne. Sous la direction de Florent Matter, le journal met en avant actions et propos pour une réintégration de la région au sein du territoire français. En 1922, le journal est absorbé par La Revue du Rhin et de la Moselle.
