Extrait du journal

11 est un proverbe russe qui dans sa grossière simplicité en dit plus long que tous les manuels de civilité puérile et honnête. Le voici : « Quand on veut conserver une nappe propre, on n’invite pas un porc à sa table. » C'est à quoi je pensais en lisant ces jours derniers le compte rendu d’une réception au ministère de la Marine, réception au cours de laquelle, nous dit-on, * une jolie maladroite cassa le bol de Marie-Antoinette ». En dépit de tous les efforts faits pour étouffer l’affaire, des témoins ont timidement raconté de-ci de-là cette petite scène de vandalisme mondain. Ces dames, on le sait, reçoivent, en effet, beaucoup dans les ministères de leurs maris. A peine les pouvoirs sont-ils transmis, la « dame » du nouveau et provisoire locataire fait annoncer qu’elle recevra de cinq à sept dans les beaux salons de la place Vendôme, de la rue Royale ou de la rue de Grenelle. Il n’y a pas de temps à perdre. Sera-t-on encore là demain ? On invite tout le monde, les amis et les autres, ceux de la Chambre et du Sénat, ceux de la droite et ceux de la gauche pour bien marquer qu’on a l’esprit large et qu audessus des partis on a tout de même des usages. Le tin du fin est, paraît-il, de réunir sous les mêmes lambris dores le nonce du pape et M. Rappoport, ce qui ne saurait manquer d’être un spectacle particulièrement doux aux cœurs républicains. Et puis il y a tous ceux qu’on n’attend pas et qui viennent tel Mcnélas au festin d’Agamemnon en vertu de la sagesse sciatique : « Les bons vont d’eux-mêmes aux banquets des bons, sans y être invités. » C’est ce que nous appelons aujourd’hui au théâtre les « hirondelles » et, dans le monde des sports, les * resquilleurs ». Le champagne et les petits fours scellent toutes ces nouvelles amitiés, car, vous le pensez bien, on ne s’est jamais vu, mais on est ami tout de suite. La politique a de ces exigences......