Extrait du journal

Ce fut ici le cas. Paul-Napoléon Roinard — nous l’indiquions d’un mot, hier, à notre Courrier des Lettres — est mort pauvre, très pauvre. Les poètes ont un grand tort, et c’est de persévérer à vivre. La liste serait longue, s’il la fallait dresser, de ceux qui, dans leur vieillesse, ont connu les pires détresses. J’évoque, écrivant ceci, la noble figure, si maigre, si maigre, de Maurice du Plessys, que nous visitâmes un soir, dans une mansarde, aux Gobelins. Roinard, lui, n’avait jamais vu le sourire de la fortune. Ce fils d’un petit notaire normand avait durement lutté pour vivre. Dans la brève note qu’il lui consacre, en son 'Anthologie des Poètes normands contemporains, M.-C. Poinsot écrit q, « pendant les sept premières années de son séjour à Paris, on le ramassa, deux fois, inanimé, 'tildüi'ant de faim... ». Peu de temps avant sa mort, il avait dû, pour « faire » quelque argent, se séparer du petit jardin qui entourait sa maison de Courbevoie. C’est un charbonnier qui acquit ces quelques mètres carrés, et, maintenant, l’anthracite s’entasse là où, hier encore, s’épanouissaient les fleurs du vieux poète. L’anecdote n’est-elle pas symbolique ?...