Extrait du journal

menacer le souverain qu’ils devaient défendre. Où irait-on avec cette orgueilleuse théorie de la valeur personnelle mise à la place des traditions et des principes? Quel ordre serait possible? Quelle légitimité serait durable? Villars, qui sauva la France àDenain, aurait donc eu droit de prétendre à la couronne de Louis XIV ! Ney et le prince Eu gène qui sauvèrent seuls et par eux-mêmes les malheureux débris de notre armée de Russie, au raient donc été fondés à détrôner Napoléon ! Non, la théorie qu’on cherche à faire prévaloir du mérité personnel entraîne avec elle des con séquences destructives et dissolvantes. Voyez d’ailleurs à quel rôle est contraint ce chef du pouvoir, empereur ou roi, toujours en lutte contre d’hostiles prétentions que justifie son prin cipe ! Il faut qu’il fasse tout et soit tout par lui-même : il faut qu’il commande lui-même les années en temps de guerre, qu’il décrète les lois, qu’il lève les impôts, qu’il concentre en lui toute l’action gouvernementale et administrative; il faut surtout qu’il ait grand soin de s'entourer de serviteurs plutôt que de conseillers; encore doi vent-ils être choisis d’une certaine taille, car du moment où l’un d’eux paraîtrait se rendre plus utile que le souverain, il lui ravirait son droit et deviendrait légitime. Quant à la politique d’un pareil souverain, elle serait nécessairement fausse et décevante comme sa position. Cette théorie d’apparence si démocra tique aboutirait, en définitive, à la plus détesta ble variété du pouvoir despotique. LÉOPOLD DE GAILLARD....