Extrait du journal

L est tout à fait vain d'espérer qu’on pourra savoir en temps utile quel est le premier responsable de l’affaire du Deutschland. Il faudrait pour départa ger les thèses adverses une enquête con tradictoire qui est évidemment exclue du nombre des hypothèses imaginables. Autant le bombardement de Guernica est une affaire claire, indéniable, ré glée définitivement pour tout homme de bonne foi, autant à Ibiza il est difficile de discerner qui a pris l’initiative du combat. Les témoignages de sens con traire n’entraînent ni 1 un ni l’autre l’adhésion. Aussi, la question de fait restant douteuse, la question de droit ne sera-t-elle pas de sitôt tranchée. Pourtant, il faut préserver la paix. 11 faut la préserver toute affaire cessante. Dans l’honneur fermement défendu, c’est évident. Avec toutes les ressour ces d'intelligence et de souplesse qu’on possède en notre pays, c’est nécessaire, et pas seulemei.. pour nous. Le bombardement d’Almeria par une escadre allemande, est en toute hy pothèse, une infamie supplémentaire à d’autres infamies. Il y a un droit pu blic. Il existe une société internatio nale. Et le fait que l’Allemagne le nie n’est pas suffisant pour absoudre l’acte meurtrier par lequel le troisième Reich a cru venger la fierté germanique. Des enfants et des femmes ont succombé à Alméria sous les coups de ces canons allemands dont en France on sait com ment ils choisissent leur cible. Des Al lemands soucieux d’éviter désormais à leur pays l’accablement d une exécra tion universelle auraient réfléchi que même la plus odieuse agression appelle une autre réponse qu’un massacre d in nocents. Hélas ! il est trop tard. Une fois de plus, dans la guerre espagnole, l’instinct du sang l’a emporté sur l’amour de la paix et sur le respect du droit. De quoi s’agit-il maintenant > De sauver la paix en Europe et, pour cela, de la rétablir en Espagne. Pas plus tard que la semaine dernière, on pou vait lire sous une signature estimée que toute solution de compromis était inter dite par la nature des choses. Soit, mais alors c’est la guerre générale, comme il n’est que trop clair, qui de vient imposée par la nature des choses. Les complications que 1 exercice du contrôle entraîne apres lui ne peuvent conduire qu’à une seule conclusion. Au lieu de contrôler la guerre, il faut con trôler la paix. Ce serait plus commode et ce serait plus sûr. C est d ailleurs, peut-être, le seul moyen d’empêcher que la guerre d’Espagne ne dégénère en guerre générale. Arrêtons Je massacre : c’est le seul moyen de l’empêcher de s’étendre. Georges BIDAULT....