Extrait du journal
A première fois qu’il me fut donné de revoir François Mauriac, et de ressentir sa présence comme le sym bole de la libération, notre maître, emporté par sa nouvelle jeunesse, m’a dit : « C’est contre Drancy que nous avons fait la Résistance ». J’évoquais cette profession de foi, que je ne me suis pas lassé de méditer depuis lors, en suivant le débat, digne et pas sionné, que l’Assemblée consultative vient de consacrer à Vidée de justice. Je dis bien : à Vidée de justice. Car ces hommes et cesl femmes, dont la réunion fait à la fois figure de Parlement et d'Ltats généraux, se sont, pour la plupart, élevés d’instinct a la hauteur des principes qui sont, en définitive, leurs seuls et leurs vrais électeurs. On écrit et on répète que le voeu général de VAssemblée fut de voir les coupables, c’est-à-dire ceux qui collaborèrent arec l’ennemi jusque dans les fusillades, châtiés plus dure ment, plus complètement et plus promptement. C’est vrai, mais ce n’est pas toute la vérité. C’est juste, mais ce n’est pas toute la justice. Quand M. Laurent Bonnevay, qui incarne jusque dans son allure la tradition libérale, auprès de laquelle le fascisme vaincu et le nazisme agonisant apparaissent déjà comme des vieilleries sanglantes et dérisoires, dénonça * les arrestations sans mandat, les détentions prolongées sans interrogatoire, surtout les internements administratifs et les envois en rési dence forcée », son réquisitoire suscita, d’après le Journal offi ciel, des applaudissements vifs ET UNANIMES. Mieux encore : à la voix de M. Bonnevay, dest la vos» d’un communiste qui fit écho. M. Auguste Gillot ne se contenta pas d’exiger qu’on appli quât aux traîtres le châtiment « faute duquel on trahit le pays ». Il éleva, par surcroît, une protestation également véhé mente contre « le scandale que constitue le maintien dans des camps, notamment au camp de Drancy, depuis plus de trois mois, de centaines d’hommes contre lesquels attcune charge n’a pu être relevée ». Ainsi, par la bouche d’un communiste comme par celles d’un modéré, le vrai dilemme fut loyalement posé : ou uit homme est coupable, et sa place est dans le prétoire d’une Cour de justice; ou il ne l’est pas et, dès lors, rien n’autorise « les préfets de la République à chausser les bottes éculées» des préfets de Vichy ». Voilà la vérité ! La vérité qui nous presse. Car nos trois armées — celle des soldats, celle des déportés et celle des morts — sont poignardées par la faiblesse et la lenteur des juges. Mais, réciproquement, le châtiment sans loi et; plus grave encore, la détresse ou la mort fût-ce d’un seul innocent, c’est pire qu’une revanche posthume de l’ennemi ou de Vichy. C’est leur victoire MORALE. La seule qui compte, en définitive, devant notre conscience et devant Dieu....
À propos
L’Aube est fondée en 1932 par Francisque Gay et Gaston Tessier. Ce journal d’opinion, d’obédience catholique et de gauche, a d’abord beaucoup de mal à rallier les catholiques démocrates du pays à cause de son positionnement pas vraiment clair entre socialisme et Église. Il arrive néanmoins à fidéliser un lectorat restreint. Pacifiste et favorable à la politique de Locarno, L’Aube fut souvent violemment attaquée par la droite catholique ainsi que par l’extrême droite, notamment L’Action française.
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