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L’Aube, 20 décembre 1944

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L’Aube
20 décembre 1944


Extrait du journal

Les guerres nationales d'abord, la guerre civile internationale ensuite, la guerre planétaire enfin nous ont fait oublier quel tison avait mis le feu aux poudres. Qui se rappelle encore le retentisse ment que, dans les trois années qui précédèrent l'avènement du nazisme, eut, d'un bout à l'autre de la planète, ce mot explosif, irritant et mystérieux : la crise ? Et pourtant, c'est un fait histo rique, une vérité si banale qu'on néglige d'en tirer les leçons ; la guerre mondiale a commencé par la crise mondiale. Il est faux de dire que les notions sont passées sans transition du pacte BriandKellogg qui mettait la guerre hors-la-loi, à l'universalisation du massacre. En réalité, cette transition fut assurée par la déflation des prix et par l'inflation des monnaies ; l'économie est devenue folle avant que le monde devint fou ; les hommes sont devenus des chômeurs avant de devenir des soldats. Si donc l'hécatombe est apparue comme un dérivatif à la misère, la croisade contre la misère n'offre-t-elle point le meilleur moyen de prévenir le retour des hécatombes ? En pratique, qu'est-ce que cela signifie ? Tout simplement que les nations victorieuses s'assigneront comme premier objectif, c'està-dire comme préambule nécessaire à l'organisation politique du monde pacifié, l'établissement et la mise en oeuvre d'un Plan quin quennal ou décennal de ravitaillement planétaire. Dons le domaine politique lui-même, cet ordre de priorité offre un avantage essentiel : il place les problèmes solubles en tête des problèmes à résoudre. De quoi s'agira-t-il, en effet, avant toutes choses? Pour l’Union Soviétique, de rendre leur fertilité à ses terres dévastées et, si possible, de compenser leur stérilité provisoire en augmentant la production sur le reste de son territoire. Pour les pays envahis du Continent, de résoudre le même problème à une échelle propor tionnellement plus élevée, faute de quoi la famine de l'aprèsguerre leur coûterait plus de morts que la guerre. Enfin, pour la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, de procéder à la démobilisa tion économique, de passer du pied de guerre au pied de paix sans rouvrir les plaies sociales que la mobilisation générale des ressour ces nationales a résorbées. Est-il un dessein plus élevé que de nourrir ceux qui ont faim, que de vêtir ceux qui sont nus ? Je propose de la paix cette définition nouvelle : le régime international qui, en cinq ans, sauvera autant de vies humaines que, dans le même temps, en aura coûté la guerre....

À propos

L’Aube est fondée en 1932 par Francisque Gay et Gaston Tessier. Ce journal d’opinion, d’obédience catholique et de gauche, a d’abord beaucoup de mal à rallier les catholiques démocrates du pays à cause de son positionnement pas vraiment clair entre socialisme et Église. Il arrive néanmoins à fidéliser un lectorat restreint. Pacifiste et favorable à la politique de Locarno, L’Aube fut souvent violemment attaquée par la droite catholique ainsi que par l’extrême droite, notamment L’Action française.

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