Extrait du journal

tableau des villes qui ont payé un tribut particulièrement lourd à la libération et à la victoire. Sous la plume plus ou moins colorée des journalistes, des pans de murs calcinés ont surgi, des cheminées d’usines ont crié leur désolation de se trouver seules survivantes au milieu de centres industriels ravagés, des ponts et des viaducs ont donné en spectacle leurs blessures béantes : partout des visions dignes de l'Apocalypse, témoins d’heures terribles dont le souve nir est précis à toutes les mémoires. Bilan tragique s’il en fut : 310.300 immeubles d'habitations détruits, 926.300 partiellement endommagés ; 208.000 exploitations agricoles sinistrées dont 53.500 en totalité ; 193.500 entreprises industrielles et commerciales sinistrées dont 49.500 en totalité ; 4.900 bâtiments publies totalement détruits ; 29.200 endommagés ; 74 départe ments atteints ; un pillage systématique du territoire occupé, tel est le prix de cinq années de guerre et d’occupation. Telle est une partie de la tâche immense de reconstruction qui s’est imposée à nos gouvernements dès la libération du territoire. Deux ans ont passé depuis que notre pays a vu battre en retraite les troupes ennemies ; deux ans... et beaucoup de sinis trés vivent encore dans des conditions lamentables : dans des blockhaus comme dans le Nord, dans les caves comme en Normandie ; les immeu bles détruits ne se reconstrui sent pas... et la question lourde d’inquiétude et aussi d’une dé ception certaine, vole de bouche en bouche : « Que fait donc la Reconstruction ? » La tentation est très forte — et d’aucuns y ont succombé — d’attiser des rancœurs et de faire chorus avec les mécontents. Nous préférons nous pencher objecti vement sur ce problème, capital entre tous, car il intéresse au premier chef des millions et des millions de nos compatriotes ; essayer d’en envisager tous les aspects, toutes les difficultés, avec la conviction que ce problème gagnera à être connu du public sous sa lumière un peu crue...