Extrait du journal

« Les conservateurs, calcule-t-il, ont dû, en l’absence de tout candidat franchement de leur bord, voter pour moi, candidat cossu, faisant partie de l’Ordre des avocats. ce qui est une façon comme une autre de s'affirmer homme d'ordre ; les cléricaux de même, car j’appartiens à une famille pratiquante ; je compte bien quelques sympathies dans la jeunesse impérialiste et parmi les comités plébiscitaires ; des orphelins en faveur de qui je déployai à la barre mon éloquence entraînante, certains ont dû atteindre l’âge d’électeur et nul doute qu'ils n’aient voulu me témoigner leur reconnaissance; enfin, j’habite le quartier, j'y ai des relations ; je puis bien considérer lemme m’ayant été acquises la voix du buraliste de tabac qui me vend mes fondras, celle de mon coiffeur, celle de mon cocher, celle de mon concierge, celle de mon bandagiste (non, le bandante était candidat lui-même et il a peutêtre bien voté pour lui) ; mais, enfin, récapitulons : quatre cents conservateurs, quatre cents cléricaux, ça fait huit cents; ; deux cents impérialistes ou plébiscitaires, nous arrivons à mille ; mettons vingt orphelin-, ve n’est pas exagéré, plus le buraliste, le coiffeur, le cocher, le concierge, mâle vingt-quatre ! Juste mon chiffre de vpoix. Mais où sont donc passés les suffrages qu un m’avait promis, des boulangers, des épiciers, des hôteliers, des marchands de vins, des charbonniers, que le comité de l’alimentation prétend tenir dans la main et faire voter comme un seul homme? »...