Extrait du journal
Il paraît qu’il nous faut encore réglemen ter en cette matière et qu’on ne peut plus travailler ni se reposer sans l’intervention du législateur. C’est pourquoi le Sénat a consacré deux séances la semaine dernière à l’examen de la proposition de loi votée par la Chambre, tendant à établir le repos hebdomadaire en faveur des employés et des ouvriers. Jusqu’ici, la question n’est pas avancée. On aurait tort de s’en étonner, car elle met en présence tant d’intérêts contradictoires , qu’elle est difficile à résoudre. Sur le principe, il n’existe aucune diver gence. Soit au point de vue moral, soit au point de vue hygiénique, tout le monde re connaît la nécessité rde repos périodiques et réparateurs. L’embarras commence lorsqu’il s’agit de savoir, d’une part, si la loi peut efficacement intervenir dans une question comme celle-là ; d’autre part, si le repos doit être individuel ou collectif, si ce repos aura lieu à jour fixe, ou si chacun aura le droit de choisir le jour qui lui conviendra. L’idée qui semble prévaloir et qui se dé gage de la dernière discussion, c’est que nous devrons nous reposer tous ensemble, et que le dimanche devra être le jour réservé à nos délassements. A droite comme à gau che on a célébré les douceurs et les attraits du repos dominical. M. le ministre du com merce a lu, d’une voix émue, des pages d’Alphonse Daudet : Si on veut bien connaître le dimanche, il faut le voir surtout aux quartiers laborieux, aux faubourgs eniiévrés, où, dès le matin, on le sent planer, reposant et doux, dans le si lence des fabriques, passer avec le bruit des cloches qui met dans l'horizon, tout autour des banlieues, comme un immense chant de délivrance Alors, on lecomprenrteton l’aime... Dimanche, je t’exalte et je te bénis pour tout ce que tu donnes de joie, de soulagement au labeur honnête et courageux, pour le rire des enfants qui t’acclament, pour la fierté des mères, heureuses d’habiller leurs petits en ton honneur, pour la dignité que tu conserves aux logis des plus pauvres... M. Moins a vanté à son tour les délices des promenades champêtres, le dimanche, par un beau soleil... L’Assemblée souriait et applaudissait à ces dissertations littéraires, mais bientôt il fallut abandonner ces rêveries et revenir au sentiment plus vif de la réalité. Ce n’était pas le tout d’exposer des théories très belles tique, se rapprocher un peu plus de lu vie courante avec ses luttes, ses fièvres et ses besoins. Le repos obligatoire proclamé, il s’agissait de le réglementer, et ici nous trouvons que les conclusions des orateurs manquent ci accord, de précision etdc clarté. La commission sénatoriale dont M. Poirrier a traduit les sentiments, avait entendu de nombreuses délégations d'ouvriers et de patrons. Si toutes paraissaient unanimes pour réclamer le repos hebdomadaire, même par voie legislative, les unes désirent que ce repos ait lieu pour toutes le même jour ; d’autres qu’il soit alternatif. Les corpora tions qui travaillent le dimanche^ ne pou vaient accepter ce jour sa us compromettre l’intérêt de leur industrie. Certaines associa tions religieuses venaient elles - mêmes se mêler au débat et soutenaient que la loi prescrivant le repus du dimanche n’est pas compatible avec la liberté de conscience. C’était le cas des Israélites et des « Adven tistes », qui tiennent à se reposer le samedi pour rendre hommage au Créateur qui a créé le monde en six jours. La commission essayait de concilier tous ces intérêts opposés. Mais, comme il arrive toujours quand on veut contenter tout le monde, elle n’a satisfait personne. Son pro jet consacrait le principe voté par la Cham bre, interdisant aux chefs d’entreprise d’oc cuper leurs ouvriers et employés plus de six jours par semaine, sauf délégation pour certaines catégories d’industries. Mais elle admettait que dans les établissements occu pant moins de cinq ouvriers et employés, le repos d’une journée pouvait être remplace par deux repos d’une demi-journée. Puis, tandis que la Chambre avait chargé les maires de dresser la liste des exceptions qu’il y aurait lieu d’établir suivant les né cessités du commerce, et d’autoriser des dérogations à la loi, la commission exigeait l’accord des quatre cinquièmes des chefs de maison d’une même commune, exerçant la même industrie, pour que le repos de leurs ouvriers eût lieu le même jour. Elle remet tait, en outre, à des règlements d'adminis tration publique le soin de déterminer les dérogations dont bénéficieraient certaines entreprises spéciales. Nous passons sur d’autres questions de détail ainsi que sur la procédure insti tuée pour constater les contraventions, et nbus arrivons au contre-projet de M. Monis, que le Sénat a renvoyé à l'examen de sa commission. Ce nouveau projet pose l'obligation du repos collectif. Le repos aura lieu le dimanche. Toutefois, il est admis de nombreuses exceptions, soit dans l'intérêt du public, soit dans celui de l’établissement. Dans les magasins, notamment où se ven dent au detail des denrées alimentaires, il est stipulé que : « les établissements pour ront occuper leur personnel le dimanche pendant cinq heures, étant entendu que les ouvriers ou employés travaillant ce jour-là jouiront d’une demi-journée de repos dans la semaine, soit simultanément, soit par roulement ». Il y a bien d’autres dérogations dont la nécessité s’imposait et qu’il serait trop long d’examiner et de commenter. La suite des débats nous révélera sans doute des obstacles imprévus. De sorte que, quels que soient les efforts qu’on fasse pour donner satisfac tion à tous les intérêts, il est à craindre qu’on ne finisse par ces deux articles de M. Emile Labiche, qui est un homme d’es prit : Article Ier. — Le repos est obligatoire. Art. 2. — Cette obligation est facultative....
À propos
Fondé en 1878, L’Avenir de la Mayenne est un quotidien régional publié à Laval, puis à Rennes. Il change de nom en 1932 pour devenir Le Républicain de la Mayenne avant de disparaître en 1942.
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