Extrait du journal

Je le regardais avec un intérêt croissant Dans ce jardin arrangé en salon de consommation devant IOttce du Tourisme en Savoie, il ne détonnait pas trop au premier abord II portait un veston noir fort couverabfe, un col mon orne d une cravate nn peu voyante, mais en somme il y avait dans son voisinage de ces touristes au cou découvert et à l’aspect débraillé dont le manque de tenue faisait ressortir sa correction. A une table rapprochée, de jeunes femmes aux bras nus et aux robes claires riaient bruyamment en fumant des cigarettes et buvant des boissons glacées Un orchestre discret jouait des valses lentes Lui, considérait la glace roue posée devant lui — fraise ou framboise — avant de la déguster. Je compris qu’il ne savait comment l’attaquer avec la minuscule cuiller de vermeil. J’avais déjà remarqué ses mains énormes et noires dans lesquelles le petit objet se perdait, son visage hAlé, presque brûlé, son aspect vaguement gêné de collégien qui débute dans le monde, bien eu*11 dût avoir dépassé la quarantaine Où donc l’avais-je déjà rencontré ? Car je le connaissais, sans nul doute. Peu à peu, il prit de l'assurance. 11 osa écouter l’orchestre, dévisager ses voisines décolletées, et il réclama «une deuxième glace, puis une troisième. Plus de doute ; c'était le grand Quode, on paysan «le chez moi. Cornet r îmstf&rts pareil lieu, dans ce jardin, consommant des sorbets dans la musique et la proche compagnie de nos modernes bacchantes ? Ma foi, il ne paraissait pas s’y déplaire. Cétait peut-être la première fois qu’il y venait : dans ce cas, ce ne serait sûrement pas la dernière. Et il y amènerait des camarades. Voilà de nouvelles recrues pour nos établissements de plaisir....