Extrait du journal
Marie, Antoinette ! Ecoulons le bruit que ions les deux noms dans notre âme, leur retentissement dans notre esprit. Que leur accent nous trouble et nous enchante. Gomme ils palpitent encore de la vie qui, durant si peu d’années, les anima. Séparés, comme ils retournent vite à leur banalité, comme on aperçoit leur usure. Mais, réunis en un seul, de quelle force émouvante ils resalent dotés. Chacun d eux si particulier et pourtant d'un accord où se retrouvent, selon leur sonorité différente, les contrastes de cette existence divisée ! Le premier, martelé d’innocence certaine, pleine d'invariable lumière, de majesté céleste, un peu anonyme, impersonnel, par cela contemporain des heures de dignité obligatoire, d'orgueil représentatif, de froideur nécessaire, de misère glorieuse aussi. Et puis, le deuxième, avec son bruissement futile de jupe légère. Si familier, si étourdi, comme ses syllabes envolées, pareilles à l’échevèlement dentelé d'un rire sonore, nom de soubrette et de bergère, endossé dirait-on pour la simplicité des fêtes champêtres, fait pour être prononcé seulement par l'amitié qui n'observe jamais que la loi de libre franchise. Si l’on devait retrouver en eux l’ordre chronologique des événements qu'ils évoquent, n’est-ce pas celui-ci qui. avant l’autre, devrait être placé ? Trianon, dans l’écoulement du temps, n'a-t-il pas précédé le Temple ? En tout cas, solidaires dans l'Histoire, ils y rappellent, chacun selon leur rythme, cette destinée d’abord aimable, facile, mousseuse comme un ballet charmant, enfin saccadée, terrible, impitoyable et d'une rupture, d’une opposition si déroutantes que la logique humaine, pour n’y pas sombrer, s'efforce de rendre le premier nom si pur, si sage, victime de la joie naturelle au second. Ah ! qu'il est donc interdit aux infortunés de jouir hâtivement des heures sereines ! Pour n’être pas responsable du malheur, faut-il donc n’avoir jamais connu que lui ?... A tout le moins l'adversité s'achève quelquefois avec ceux qu’elle anéantit. Car les fureurs brandies s'écroulent, les poings dressés retombent, l'orage populaire s’apaise ; alors l’atmosphère humaine assainie, renouvelée, par une espèce d'amende honorable, nous replaçons ceux qu'a frappé* la foudre au centre de leurs plus beaux jours. Parée de ses habits de cour, c’est ainsi que, de la Conciergerie, la reine Marie-Antoinette est ramenée ù son séjour de gloire, à Versailles. Elle est là, plus présente qu'à l’époque même de sa royauté, car le temps, ce suprême artiste, fait tomber les détails secondaires, écarte les empiétements de la vie, nous livre l'essentiel dans son isolement clair. A notre tour, consentons les sacrifices que rend indispensable notre désir de parfaite illusion. Oublions ce que nous avons appris, en face d’elle, que la reine, pour nous, soit la reine, et non pas dans un coin chagrin de notre raison trop sévère, comme à son banc d'infamie, l’accusée, la coupable. Habiter avec force un moment écoulé c'est avec du passé recomposer du présent. Quoi ! n’est-ce pas possible ? Le présent, fougue intérieure, a-t-il donc perdu en nous toute sa réalité vivante que nous ne pouvons plus le susciter, le revivre ? Faut-il consentir à le voir toujours, forteresse démantelée. envahi par tous les moments ? Même, actuellement, ne le trahissons pas ? Ah ! dès qu intervient le souvenir, quel arrêt dans la conscience, quelle confusion et, dans la sensation, quel appauvrissement ! Dirait-on pas le courant du ruisseau entravé par l'ombre des saules ?... Ici, à cette exposition de la Bibliothèque de Versailles, je ne veux appartenir, dans ses années de triomphe adorateur, qu’à cette femme, belle, fière, sûre de sa jeunesse comme du droit qu’elle a d’en tirer du bonheur, avant qu’ils se soient vus transformés en fautes ou tout au moins en imprudences folles ; approuvons ses plaisirs si, sur ses lèvres trop fermées, ils esquissent des sourires, s’ils jettent sur son visage leur engouement rosé. Excluons, bannissons de celle fièvre ravissante ce mot de : conséquence, rigide et noirci comme la baguette que, dans son élan de feu, la fusée abandonne. Conséquence : terme dur, étroit, qui souvent rend faillible notre raison et nous prive de courage....
À propos
L’Avenir est une publication quotidienne, paraissant à partir du premier janvier 1919. Il remplace Oui, lancé une année auparavant par l’homme politique Henri Lilliaz pour lequel contribuait des personnes du monde politique et littéraire comme Pierre Laval et Henry de Jouvenel. Au moment de la création de la feuille, le député de droite Charles Chaumet en est le directeur politique de la publication et le journaliste Louis Latzarus le rédacteur en chef.
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