Extrait du journal

9 mai 1915. Nous voici à l’anniversaire de Ca rency dont le souvenir est à jamais gravé dans la gloire du Bataillon. Carency ! ce nom, évocateur de victoire, rappelle un des plus rudes et plus beaux épisodes du 44e, et nous reporte de trois années en arrière. Après les péripéties d’une guerre de mouvement qui s’était déroulée au Grand-Couronné, nous étions venus échouer, le 6 octobre 1914, en Artois, entre Carency et. Mont Saint-Eloy. La guerre au clair soleil était proscrite pour faire place aux combats souter rains des termites. Nous' creusions rapidement nos tranchées devant la route de Béthume à Arras. Le village de Carency nous apparaissait sur la gauche avec ses chaumières hardiment dressées sur les flancs pittoresques de ses coteaux, lui donnant l’aspect de ces bourgades que l’on a rêvé d’habiter à l’âge de la retraite. Le destin, hélas ! se charge bien souvent de faire mentir les plus mo destes rêves. Vers le milieu d’octobre 1914, des rumeurs étranges circulaient dans le Bataillon sur ce malheureux village. Les « tuyaux » les plus rocambolesques nous arrivaient de tous côtés, bâtissant la légende ridicule de la convention tacite du « Puits commun » servant à approvisionner d’eau à tour de rôle soldats français et- soldats allemands. La renommée de Carency grandissait de jour en jour et les histoires qui avaient germé dans les cerveaux des farceurs, prenaient des formes calquées dans les Contes des Mille et une Nuits. C’est dans ces conditions que le 3 novembre 1914, nous abordâmes à notre tour le secteur de Carency. Gros émoi dans le Bataillon et en particulier à la 7= compagnie qui prenait pied dans les quelques maisons du village que les Boches n’occupaient pas. A 4 heures du matin, nous partîmes de Villers-aux-Bois et nous nous enga geâmes sur la voie ferrée, tels des...