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Le Constitutionnel, 2 juin 1844

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Le Constitutionnel
2 juin 1844


Extrait du journal

avait à répliquer dans son procès, et qu'il ne serait libre de quitter Guéret que dans deux jours, lorsqu'il aurait gagné ou perdu sa cause. Le courage physique de Léon et sa dextérité à manier toutes sortes d'armes éiaient assez connues pour qu'il ne dût pas craindre d'être ac cusé d'hésitation ni de lenteur volontaire, et il est certain qu'il était impatient de se voir en face de sir Arthur. Mais il pensait que ce duel et les événemens qui y avaient denné lieu se répandraient bientôt, que le blâme s'élèverait contre sa conduite, que le ridicule, qu'il craignait encore davantage, l'atteindrait peut-être. 11 ignorait la chute de Jeanne; il n'avait pas revu Raguet. Ce misérable, qui avait long-temps cherché à le servir malgré lui dans l'espoir d'une- récompense, s'était vu déçu dans ses rêves de cupidité par l'aversion et le mépris de l'avocat. Il était indigné que ce dernier eût profité de ses avis sans les payer ; et comme il errait dans l'ombre au Carroir du mont Barlot, au moment où Léon avait décidé Jeanne à venir à Montbrat, il avait peut-être entendu de quelle manière l'avocat s'exprimait sur son compte. Il s'était tourné contre lui par vengeance autant que par vénalité, et le fuyait désormais, craignant son ressentiment; mais Léon ignorait tout. Il pensait que Jeanne se plaignait de lui en confidence à tout le château de Boussac, que tout le château le condamnait, que toute la ville le raillerait bien tôt ; et, ne pouvant guère espérer de se laver de ce qu'il appelait son fiasco, il voulait au moins y apporter le contrepoids d'un grand succès oratoire. Il avait une belle cause ; il tenait à la plaider, à la gagner avec éclat, et à cacher, comme il disait, les blessures de son amour-propre sous les lauriers de sa gloire. Gùillaume, tout occupé de Jeanne et d'Arthur, paraissait avoir oublié Marsillat. Il nourrissait contre lui des projets de vengeance plus ardens que ceux d'Arthur ; mais il les cachait, luttant de dévoûment dans le secret de son ame avec celui qu'il regardait déjà comme son frère, et qui, de son côté, poursuivait le même dessein de préserver les jours de l'ami, en. se risquant le premier dans une rencontre périlleuse pour l'un comme pour l'autre. M. Alain, après le déjeûner, fut emmené dans la prairie par les jeu nes gens, sous prétexte de promenade; et tandis qu'Arthur, Guillaume et Marie faisaient le guet pour empêcher les deux Charmoise de venir les troubler, le bon curé de Toull causait avec Jeanne derrière les ro chers. M. Alain avait réussi dans la solitude à étouffer le tumulte de ses pensées. Il avait fouillé tous les viviers de la montagne de Toull, et il n'avait pas retrouvé la source minérale engloutie par la reine des fades. Mais il n'en était que plus passionné pour cette découverte; et à force de gratter la terre, de recueillir des médailles et des légendes, il était devenu tout-à-fait antiquaire ; c'est-à-dire qu'il avait oublié la jeunesse et ses agitations douloureuses. Il grisonnait déjà, et, à trente-deux ans, il avait la tournure d'un vieillard. La fièvre marchoise avait contribué aussi à mettre de la gravité dans les allures et de l'abattement dans les pensées du pauvre et honnête pasteur:...

À propos

Le Constitutionnel fut un quotidien politique sur quatre pages, fondé par Fouché et une quinzaine d’actionnaires, pour la plupart contributeurs du journal. D’abord bonapartiste, il s’agissait d’un organe puissant jusqu’à la naissance du Second Empire, rassemblant bonapartistes, libéraux et anticléricaux. Marqué par la personnalité d’Adolphe Thiers, le journal rendait compte des informations diplomatiques européennes, mais discutait également de l’actualité politique française.

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