Extrait du journal
part de celles du pays Marchois, se cache sous des buissons rongés par la dent des boucs. Ce lieu sinistre , sans grandeur , sans beauté, mais rempli d'un sentiment d'abandon et de désolation, on l'appelle les Pierres JomAtres. Vers les derniers jours d'août 18t6, trois jeunes gens de bonne mine chassaient au chien couchant , au pied de la montagne aux pierres, comme on dit dans le pays. — Amis, dit le plus jeune, je meurs de soif, et je sais par ici une fontaine vers laquelle mon chien court déjà, comme à une bonne connaissance. Si vous voulez me suivre, sir Arthur sera peut-être bien aise de voir de près ces pierres druidiques, bien qu'il en ait vu sans doute de plus curieuses en Ecosse et en Irlande. — Je verrai toujours, répondit sir Arthur, avec un accent britanni que bien marqué; et il se mit à gravir la colline par son côté le plus roide, pour marcher en ligne droite aux pierres jomâtres. — Quant à moi, dit le troisième chasseur, qui avait l'air moins dis tingué que les deux autres, quoique sa physionomie eût plus d'expres sion et son œil plus de vivacité : je n'espère pas trouver ici de gibier, c'est un endroit maudit ; mais je vais à la recherche de quelque chèvre pour la soulager de son lait. — Vous ne devez pas! dit l'Anglais, dont le parler était toujours obscur à force de laconisme. — Prenez garde, Marsillat, cria le premier interlocuteur, le jeune Guillaume de Boussac, qui se dirigeait vers la fontaine; vous savez bien que sir Arthur est le grand redresseur de nos torts, et qu'il ne voit pas de bon œil vos attentats contre la propriété. Il ne veut pas qu'on sac cage les murs de clôture, qu'on gâte les sarrasins, ni qu'on tue la poule du paysan. — Bah ! reprit le jeune licencié en droit, le paysan sait bien prendre sa revanche au centuple ! Sir Arthur était déjà loin. II avait une manière de marcher en rasant la terre, qui n'avait l'air ni active ni dégagée, mais qui gagnait le dou ble en vitesse sur celle de ses compagnons. C'était un chasseur modèle ; il n'avait jamais ni faim ni soif, et les jeunes gens qui le suivaient avec émulation maudissaient souvent son infatigable persévérance. • Bien que Guillaume de Boussac et Léon Marsillat ne fissent que bon dir et s'essouffler, l'Anglais, pareil à la tortue de la fable, qui gagne sur le lièvre le prix de la course, examinait depuis un quart-d'heure la dis position et les qualités minéralogiques des pierres jomâtres,' quand ses deux amis vinrent le rejoindre. — Diable de fontaine ! disait M. de Boussac en faisant la grimace ; elle a un goût de cuivre qui ne me donne pas grande idée du trésor ! — Ces maudites chèvres , disait Marsillat, n'ont pas une goutte de lait! au lieu de brouter, elles ne songent qu'à lécher les pierres. Est-ce qu'elles auraient le goût de l'or? * — Or? trésor? demanda sir Arthur, en les regardant d'un air étonne. — C'est qu'il faut vous dire, répartit Guillaume de Boussac, qu'il y a une tradition, une légende sur cet endroit-ci. Vous n'ôteriez pas de la tête de nos paysans, à ce que prétend Marsillat, qu'un trésor est enfoui dans cette région. —.Cette croyance les rend fous, dit Marsillat. Les uns supposentee tré sor. enterré sous ces pierres druidiques; d'autres, le cherchent plus loin,...
À propos
Le Constitutionnel fut un quotidien politique sur quatre pages, fondé par Fouché et une quinzaine d’actionnaires, pour la plupart contributeurs du journal. D’abord bonapartiste, il s’agissait d’un organe puissant jusqu’à la naissance du Second Empire, rassemblant bonapartistes, libéraux et anticléricaux. Marqué par la personnalité d’Adolphe Thiers, le journal rendait compte des informations diplomatiques européennes, mais discutait également de l’actualité politique française.
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