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Le Constitutionnel, 25 janvier 1834

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Le Constitutionnel
25 janvier 1834


Extrait du journal

DU SERMENT POLITIQUE. En émettant une de ces doctrines salutaires et conservatrices dont la France éprouve le pressant besoin, parmi ce conflit d'opi nions divergeantes qui jettent chaque jour de funestes perturbations dans les esprits , nous étions sûrs d'avance de rencontrer de vives contradictions et de malveillantes attaques. Ni les unes, ni les au tres ne nous ont manqué; nous ne répondrons qu'aux premières ; nous écarterons soigneusement de la discussion grave et presque solennelle d'un principe qui tient de si près à la morale publique ces préoccupations qui naissent du regret d'avoir vu travestir ses pensées et méconnaître ses intentions. Nous n'avoc s donc à com battre'ici que des objections, des objections consciencieuses comme notre opinion ; tout le reste nous demeure complètement étranger. Nous avons essayé , dans un premier article , de remettre en honneur le serment tant attaqué depuis quelques années ; nous le présentions comme un engagement qui, pour avoir changé de ca ractère depuis la séparation profonde du droit civil et du droit divin, n'en est pas moins respectable et sacré pour les hommes. Nous y voyions une garantie indispensable et réelle pour la société. Passant de cette donnée générale au serment politique , nous avons montré combien l'état est fondé à exiger une telle garantie de tous ceux qui exercent des pouvoirs dans son séiu , à partir du Roi, qui prête serment à la souveraineté nationale dont il est le dé légué , jusqu'au dernier agent de l'autorité, qui prête serment au Roi en.recevant de lui une portion de cette autorité que la nation lui a déléguée. Nous avons montré ce qu'il y a de raisonnable à vouloir dé tous ceux qui exercent une ' fonction dans le payi l'a dhésion formelle aux lois qui le constituent et en vertu desquelles ils exercent cette fonction. Toute théorie gouvernementale qui aurait une autre basé, seraitévidemment absurde et ne renfermerait pas en elle de conditions de durée. Mais , dit-on, pourquoi faut-il s'engager aussi envers la per sonne du chef de l'état ; pourquoi le Roi est-il nominalement Com pris dans le serment ? La raison* est fort simple ; parce que le Roi est le pouvoir que la souveraineté nationale a fait pour se régir ellemême , pour 'appliquer les lois qu'elle se donne par ses manda taires, parce qu'il est, sous ce rapport, le représentant de cette sou veraineté nationale elle-même. Il'résulte donc de ce principe, que nous croyons incontestable , que quand vous prêtez serment au Roi , vous vous engagez en réalité envers la volonté de tous, tout aussi bien que lorsque vous prêtez serment à la république. C'est nn gouvernement qu'il faut voir dans les deux cas , non un magistrat dans l'un et l'oint du seigneur dans l'autre ; il n'y a plus là des personnes, mais des systèmes politiques auxquels vous jurez également d'être fidèles ; d'un côté , un système dans lequel les pouvoirs supérieurs sont confiés à un magistrat électif à temps ou à vie , de l'autre un système où ils sont confiés à une famille qui se les transmet héréditairement ; il ne s'agit pas' de discuter ici le quel vaut le mieux , mais de montrer seulement qu'il y a parité pour celui qui s'engage. _ Et qu'on ne, dise pas que l'èxercice du droit de souveraineté se trouve ainsi limité, détruit pour les individus; car ce serait en vérité dénaturer complètement le principe, et faire une application ridicule d'une belle et haute abstraction. En effet, on n'entend pas, nous supposons, que la souveraineté du peuple soit le droit pour chacun des maires ou des gardes-champêtres de nos trenteliuit mille communes de changer, quand il lui plaira, la forme du gouvernement dans son endroit. La souveraineté du peuple s'exerce par grandes crises et à intervalles; elle agit et se repose. Le peuple est souverain quand il laisse vivre un gouvernement fidèle à son mandat comme quand il renverse celui qui y a été infidèle. Par con séquent ce n'est pas là une volonté individuelle, mais une manifes tation générale qu'il faut considérer, et ce serait en affaiblir la ma jesté que de croire que l'engagement individuel puisse en empêcher la juste et légitime expression. Celui donc qui a prêté serment à la royauté sauf leprogrès delà raison publique, a. dit une chose qu'on a crue très-hardie, et qui, dans le fait, n'était que vulgaire. Il émet tait ainsi l'opinion, que nous sommes loin de partager, qu'un pro grès ultérieur de la raison publique ne comportait pas la royauté, et que, lorsque là royauté n'existerait plus, son serment à la royauté serait sans valeur. Eh! mon Dieu! qui en doute? Ce n'était guère la peine, on le voit, d'une restriction qui, dans le fait, n'altère en rien la force de l'obligation actuelle. Du serment attaché à l'exercice d'une Jonction, nous venons à celui que nos lois exigent du" citoyen qui exerce un droit politi que , et notamment le droit électoral, car c'est surtout du ser ment imposé dans ce cas, qu'on demande l'abolition ; nous nous expliquerons sur ce point de vue important et nouveau de la ques tion avec non moins de franchise et de netteté. On. a tant abusé de ce mot droit, qu'il est bien nécessaire de fixer quelques principes à cet égard. Les philosophes qui ont con sidéré les droits comme' antérieurs à l'état social, se sont étrange ment trompés ; la nature ne confère à l'homme que l'air et le sol avec son industrie pour les exploiter ; c'est la société qui conféré des droits dont elle règle l'usage par les lois qu'elle établit. Passez successivement en revue toutes les diverses prérogatives même na turelles de l'homme , et vous reconnaîtrez qu'il n'en est pas une dont la société ne détermine ou ne régularise l'usage. A plus forte raison, doit-il en être ainsi d'un droit politique, d'un droit d'é lection • celui-là non plus, ce n'est pas la nature qui le donne ; c'est la société ; on ne naît pas électeur, on le devient en remplis sant le» conditions imposées aux citoyens pour le devenir. Ceux mêmes qui semblent d'abord considérer le droit électoral comme abstrait et absolu, extra-social si l'on peut dire, admettent ensuite sans s'en apercevoir notre sentiment, puisqu'ils posent des prescriptions qui en limitent l'exercice. Ainsi ils disent dans leurs pétitions : Tout Français majeur... Pourquoi, majeur ? leur de manderons-nous, pourquoi des classes entières sont-elles exclues? Pourquoi les femmes ne sont-elles pas appelées? La réponse est sans doute toute prête; mais il résulterait impérieusement de celle qu'on nous ferait, que la législation civile intervient même dans...

À propos

Le Constitutionnel fut un quotidien politique sur quatre pages, fondé par Fouché et une quinzaine d’actionnaires, pour la plupart contributeurs du journal. D’abord bonapartiste, il s’agissait d’un organe puissant jusqu’à la naissance du Second Empire, rassemblant bonapartistes, libéraux et anticléricaux. Marqué par la personnalité d’Adolphe Thiers, le journal rendait compte des informations diplomatiques européennes, mais discutait également de l’actualité politique française.

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