Extrait du journal

THEATRE DU PALAIS-ROYAL. LE ROI MALGRÉ Li t, Vaudeville en deux actes, De M. sîneelot. C'est une singularité peut-être unique dans l'histoire qu'un prince fait roi malgré lui. C'est Henri 111, alors duc d'Anjou, qui en fournit l'exemple. Le duc d'Anjou, célèbre par les victoires de Jarnac et de Moncontour , avait fixé les regards des Polonais: il fut élu roi de Pologne en 1573. Il avait à peine vingt-deux ans. Le duc d'Anjou fut peu sensible à cette distinction ; il préférait à la couronne de Pologne le séjour de la France , où l'attachaient l'éclat de ses triomphes, le sentiment des arts et de la poésie, le goût du luxe et des plaisirs. Mais Catherine de Médicis lui dit : « Partez, mon fils, vous n'y serez guère ! » Et le duc d'Anjou partit., non avec enthousiasme, comme on marche à la puissance, mais avec mé lancolie, comme on va en exil. Il emmena quelques seigneurs, qui regret taient aussi la cour de France, et son poète favori, Philippe Desportesl'un des poètes les plus éminensdu 6e siècle. Philippe Desportes était le confi dent préféré du duc d'Anjou, eti 1 savait à merveille exprimer en vers les pensées les plus secrètes, les sentimens les plus intimes de son maître. Aussi, quand il fallut partir pour la Pologne, Philippe Desportes fit une complainte où le duc d'Anjou parle ainsi : - ' ' O France , où j'ai reçu tant d'honneurs mérités , Tant planté de lauriers, tant d'ennemis domptés , Je te vois, me perdant, toute en pleurs te baigner ! Je veux donc de mes pleurs les tiens accompagner. Comme un cruel lion , par les bois traversant, A la biche trop faible un faon va ravissant, Le Destin , que les Dieux ne sauraient empêcher , Me vient d'entre tes bras forcément arracher ! La prédiction de Catherine de Médicis ne tarda pas à s'accomplir. Charles IX mourut en mai 1574, et, quatorze jours après, à peine le roi de Pologne eut-il appris la nouvelle de la mort inattendue de son frère , il jeta sceptre: et couronne et partit pour la France. C'est en vain que les Polonais firent tous leurs efforts pour le retenir ; il s'évada comme un prisonnier , et peu s'en fallut que la police de son royaume ne l'arrêtât en chemin, nonpour le conduire en prison , mais pour le ramener sur le trône. Son poète était l'an {de ses compagnons d'évasion, et célébra, dans une plaisante boutade , ce joyeux et singulier voyage :...