Extrait du journal

— Mais, est-ce que je chante dans mon portrait, fit-elle en riant. — L’est une aberration, veuillez m’excuser. — Une étrangeté, plutôt. — Une étrangeté soit. Sir Edmond s’étant levé, se dirigea vers une fenêtre. — Ali ! j’aperçois là-bas Manuel. — Oh, il court toujours. — Où va-t-il donc comme cela pensif, ainsi qu’un poète qui rumine une élégie ? — Vous me le demandez? — Si ce n’est pas indiscret. — Ma foi, je l’ignore. — Voulez-vous que je le dise? — Toujours homme étrange !... Car enfin, si vous le savez, pourquoi me le demandez vous, alors? — Pour voir si vous le saviez comme moi. — Et bien, non, je ne le sais pas. — Alors, je vais vous le dire. Il va où son amour le mène. — Ali, Manuel est amoureux ?... fit négligemment la comtesse en laissant courir ses doigts sur le clavier du piano. — Oui, il est amoureux. — Et, de qui ? De ma femme de chambre, Madelaine ? — Non, mais de la fille d’un paysan... — D’un paysan... oh, c’est autre chose!... fit-elle avec une petite ironie. — D’un paysan nommé Canlubre. — Je le connais. C’est un sorcier. Mon mari m’a même parlé, je me le rappelle à présent, de ce que vous me dites là. Est-ce que vous pré tendez le marier? — Si cela était, m’en voudriez-vous beaucoup? — Avec la fille d’ua paysan ? — Oui, Madame. — Oh, pas le moins du inonde!... Même cela m’amuserait énormé ment de vous voir entreprendre une telle œuvre. Je vous croyais seule ment pianiste. — Et vous vous étonnez de découvrir en moi un agent matrimonial. — E-t-ce à monsieur de Fuy que j’ai I honneur de parler ? — Non, Madame, je suis un simple artiste, et je dis des folies....