Extrait du journal

LA FILLE AUX BLUETS. Suite. — Non, ne me parlez pas, reprit-elle avec vivacité, non , je vous dirai bientôt pourquoi. D’ailleurs, à quoi bon me donner une conso lation banale? Je sais que je vais mourir bientôt. Je n’en suis pas bien attristée. Je regrette, oui, continua-l-clle en regardant la brume qui voilait la fenêtre , je regrette le ciel clair que je ne verrai plus, les fleurs bleues et rouges dans les blés jaunes, ecs odeurs vives qui sortent du foin coupé et de chacune des feuilles après les chaudes pluies de l’été. Je regrette surtout cette fraîcheur qui entourait ma tête connue d’un bandeau, le m..tin dans les jours où l’orage mena çait. Je me rappelle tout cela depuis que je suis ici étendue, et tout cela, je le regrette ; mais Dieu inc le rendra bien. Il n’y a que pour vous, reprit-elle avec une dignité tranquille, que je suis triste de mourir. Mais cela vaut mieux. Oh! si j’avais pu es pérer devenir votre femme ! Si j’avais été la fille de M. du Val-Candos, au lieu d'être une paysanne que les circonstances auraient pu faire la domestique de votre mère ; si j’avais été quelque fille d’un pauvre noble . si j'avais pu enfin avoir raisonnablement u:i prétexte pour espérer de pouvoir vivre à côté de vous el pour vous , j’aurais voulu vivre. J’aurais vécu d’espérance , d’une espérance peut-être trompée dans l’avenir, mais au moins j’aurais eu pendant quelque temps une joie devant les yeux ; cela aurait sufïi pour m’engager à aller en avant. Etant ce que je suis... — Mais, dit Louis......