Extrait du journal

Champagnac était tout à son souvenir. — Ta soirée de Noël ? — Oui. Que les oies étaient grasses, les dindons do dus, les boudins cuits à point ! — Malheureux !... Que dis-tu là? Ne songes-tu pas que tu parles à un homme qui n’a pas le moindre quar tier de cheval à se mettre sous la dent T — A qui le dis-tu ? — Mais la pudenr, l’humanité devrait... — Quel souper ! reprit Champagnac. Et la galette du père François, et le vieux vin du pèr... J’en ai l’eau à la bouche. — C’est pourquoi tu pleures toujours. — Non. Je fais tout ce que je peux pour rire, au contraire ; mais c'est plus fort que moi, reprit le pau vre diable, qui, dans les ténèbres , chercha ma main pour la presser; mais je pense à mon père, à ma mère, à mes sœurs ; je pense à Jeanne, qui m’attend là-bas. Tous ces braves gens pleurent, vois tu, ce soir ; de ce trou noir où nous sommes enfouis, je les entends, je perçois leurs sanglots à travers le vent glacé et la mitraille. Pauvre père, il est si vieux, il en mourra... et elle, Jeanne, si elle n’allait pas m'attendae. — Mais si, mais si, elle t'attendra, Augusta attend bien Guillaume. Il voulut rire, mais il n’en eut pas le courage, et le commandement s'étant fait entendre, nous sortîmes de la tranchée et nous reprîmes notre roule. Quelques minutes, nous marchâmes sans nous par ler. — Il était trop ému ; moi, beaucoup plus aussi que je ne voulais le paraître, puis les diables d’obüs...