Extrait du journal

La Cour des comptes devait offrir aujourd’hui un spectacle assez singulier, et dont l’attrait avait de bonne heure conduit dans son enceinte une affluence inaccoutumée. Deux anciens ministres, MM. Barthe et Lacave-Laplagnc, à peine échappés aux orages du pouvoir, y venaient chercher un asile contre des tempêtes nouvelles. Premier président une première fois, M. Barthe, redevenu premier président une seconde, après avoir vu s’évanouir devant sa fortune M. Siméon comme une ombre, revenait s’asseoir sur son siège inamovible avec une quiétude et une joie tranquille dont il ne cherchait pas à déguiser l’expression dans sa contenance et dans ses regards. Il semblait se féliciter lui-même de cette retraite honorée et riche qu’avaient en vain enviée les ministres les plus favorisés de la Restauration, et que sa prudente sagesse avait su, à deux reprises, se réserver. Et lorsque dans son allocution, M. le premier président de la Cour des comptes assurait ses nouveaux collègues qu’il resterait désormais lié irrévocablement à leurs destinées et à leurs travaux, il était facile de voir qu’il venait d’ouvrir là son âme tout entière, et qu’il n’avait plus envie, rentré au port, de courir de nouveaux hasards et de nouveaux dangers. Ou voyait que M. Barthe avait porté assez longtemps le poids des grandeurs ministérielles, si fragiles et si périlleuses....