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Le Figaro, 2 janvier 1913

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Le Figaro
2 janvier 1913


Extrait du journal

Dans le brouillard clair, la Seine coule une eau nonchalante au long d'un paysage 'de banlieue. C'est au Point-du-Jour,- passé le viaduc d'Auteuil qui enferme la ville de ses arches rudes. Là-bas, à l'horizon, traîneila lueur du soleil, sur les collines délicates de Saint-Cloud. L'air est moins triste, plus calme au premier jour de l'année. Les cheminées d'usine ne.fument pas, nul bruit. Les'remor queurs se taisent, ancrés aux quais. Le long des, berges, derrière les palissades qui pro tègent les maisonnettes de bois, sur les péniches immobiles, tout se tait. Une fête, c'est un repos pour ceux qui mènent la vie de dur labeur, tout le long de l'année, sur le fleuve. Autour du poêle, aujourd'hui, on se' chauffe en famille, dans la petite cabine. C'est l'heure merveilleuse du premier jour de l'an, où la femme et les enfants boivent. un verre de vin en mangeant des marrons, près du feu. En ce jour d'étrennes, j'allais rendre visite à la famille Dejonghe. Ce sont ces pauvres gens dont nous disions hier la détresse à nos lecteurs, et que de braves gens, aussi pauvres mais plus heureux, ont recueillis. L'histoire est,simple comme les plus belles histoires. Il y avaitun marinier,qui s'appelait Chagnias, qui travaillait sur sa péniche avec la femme et les enfants. Passe une autre péniche, bord à bord. Une femme pleurait. Un homme as sis , à côté d'elle l'écoutait pleurer. Alors le premier marinier quitta son travail ' parce qu'il avait compris cette détresse, qui demain peut-être serait sa détresse. Il appela le. ca marade qui lui dit sa peine : son bateau allait être désarmé ; au cœur de l'hiver, il se trouvait débarqué avec sis enfants et la mère, sans abri, sans meubles, sans argent. / Chagnias prit à son bord la famille De jonghe, simplement. Il les installa, de son mieux, dans une manière de cahute bâtie de planches pourries et de madriers, à l'avant d'un vieux ponton. Ici il faisait froid et humide, mais du moins il ne pleuvait pas. L'horreur de la nuit était moins noire. On pouvait se serrer les uns contre les autres, comme dans - un abrj. On se sentait moins seul. On avait la protection d'un égal qui savait la pitié. On atteint ce ponton par un chemin de plan ches branlantes qui courrent sur l'eau verte.' Des petites filles droites et immobiles regar dent l'étranger qui arrive, avec des figures fines sous des cheveux blonds bien peignés.. Elles jouaient à la balançoire avec une corde attachée à deux poteaux. L'homme est inquiet. Il ne dit rien-. Il conduit vers la cahute où est la femme qui saura parler. C'est une grande misère qu'une femme qui pleure avec un enfant dans ses bras, qui pleurs parce qu'elle a peur de la faiiji et du frgfji ppur ses petits'. Elle a l'air brave et jjon ;...

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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