Extrait du journal
... Dans ce journal même, Cappiello nous donna l'autre jour ses traits familiers. La be sogne n'est point achevée... C'est une autre esquisse que je souhaiterais entreprendre à mon tour. Georges de Porto-Riche!... En écoutant les deux syllabes de ce nom, toute la jeune géné ration, encline cependant à l'arrogance, courbe la tête, respectueusement séduite; et, par la pensée, nous nous reportons à certaine fenê tre que l'on voit briller très tard, dans la nuit, sur une place. Fenêtre qui se détache modeste ment, mais sûrement, dans un angle de lumière ; fenêtre derrière laquelle quelqu'un travaille, dont nous aimons le travail et « écoutons » les rêveries; fenêtre mystérieuse, pensive; phare charmant d'une intelligence amie ; fenê tre hautaine, personnelle, attirante comme celui qu'elle encadre, et qui méritait bien de le signaler aux passants fugitifs!... ' Pour les autres, ils savent !... Dans la nuit, bien des visages de jeunes écrivains se sont haussés vers cette fenêtre du cabinet de tra vail de Georges de Porto-Riche, place Beauvau; bien des4bouches se sont tues, qui lais saient échapper un flux de paroles ; bien des songeries ont flotté en cet endroit même, qui devaient envelopper l'auteur du Passé et d'Amoureuse / comme un encens très doux !... ...Mais parfois, l'auteur du Passé et i'Amouporte cochère de la maison une voiture s'ar rêtait. Elle s'arrête. Un homme en descend, s£ jeune, nerveux, un peu fébrile, et le col de son pardessus relevé. Il fouille dans sa poche, en retire de la monnaie et la tend brusque ment au cocher, avec une amicale parole de plaisanterie. Et le cocher touche le bord de sa casquette—charmé... Et Georges de PortoRiche — car c'est lui — s'avance, et nous re connaît. - Aussitôt, ce sont des phrases de clair ac cueil, les meilleures, les plus intelligentes phrases, toutes celles que l'on pourrait sou haiter. Comme il s'adresse à des jeunes gens, écoutez-le s'informer de leurs travaux, de leur maîtresse ; de leurs plaisirs et de leurs soucis. Dans sa bouche, les interrogations succèdent aux interrogations, exactes, jamais banales, toujours judicieuses, parfois très tendres. Et l'on sent bien que celui qui vous interroge ainsi ne le fait pas dans un but de curiosité vaine, mais par un naturel besoin de plaire avec bonté, de comprendre avec gentillesse, de consoler avec esprit. Et, comme il sait tout de la vie et des hommes, et ne cesse jamais de demeurer lui-même, ses conseils ne sont pas seulement un enseignement, mais une grâce ; la plupart de ses réponses sont des répliques ; et l'on est convaincu par du ta lent ! Mais pourquoi, en ce cas, disparaître si vite ? On eût passé toute sa vie auprès de lui !... Hélas! chacun en dit autant, songe de même, et certains êtres ont cependant un droit meil leur à profiter des pensées de ce cœur, à les cueillir de près, plus souvent et dans leur éclosion quotidienne... Laissons Georges de Porto-Riche rentrer chez lui. D'ailleurs, peut-être aurons-nous la bonne fortune de le rencontrer à nouveau dans quel ques jours, dans quelques heures, encore plus charmant, encore plus fébrile, et le col de son pardessus encore plus relevé. Cette fois, d'un geste impérieux de sa tête fine, il nous en joindra de le suivre, ne supportera point qu'on lui résiste — qui donc y songerait ! — nous fera sauter à sa suite dans un fiacre, et nous entraînera toujours assez loin, toujours trop vite, chez un ami de lettres, une femme du monde, ou bien un marchand de ferrailles et antiquités ! Ce ne sera pas une heure perdue ! Durant le trajet, nous écouterons une causerie univer selle, documentée, infiniment attrayante sur tous les sujets du monde. Et, peinture, sculp ture, lettres, poésie, histoire, armes anciennes, et cœurs nouveaux; nous verrons que M. Geor ges de Porto-Riche sait tout, connaît tout, n'en est pour cela, ni plus fier, ni moins facile à vivre, ni moins sensible encore, aux petites peines et aux petites joies de l'existence quotidienne. Et le plus grand charme de ce grand homme c'est d'être un homme, simplement. Ah ! que je souhaiterais vous le dépeindre encore le dimanche, chez lui, entouré d'un cercle d'admirateurs intimes, de confrères, de femmes, de nouveaux venus. Chez lui, chacun a besoin de lui. Sitôt entré, il n'attend guère pour apprendre, à l'un le résultat d'une dé marche tentée en sa faveur, pour juger «. sans faiblesse » l'œuvre d'un autre, et l'en consoler, sur-le-champ, par deux ou trois mots tendre ment appropriés. Et voici un dernier visiteur qui demeure, demeure... pour confier au maître ses peines, rester à dîner et, tard, dans la nuit, s'épancher dans ce cabinet de travail, devant cette table où il serait si beau et si utile que l'on travaillât !... Cette table... là... contre elle ; nonchalam ment, sûrement; avec grâce et maîtrise... Quand ? Comment? Je l'ignore !.. Entre deux jugements parfaits et durables, entre deux sourires, entre deux visites, furent conçus et jetés sur le papier les êtres incomparable...
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
En savoir plus Données de classification - de freycinet
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